Deux romans récents parlent, chacun à sa manière, de la fidélité aux disparus. Dans l'un, il s'agit d'un homme qui a laissé un témoignage jugé capital. Dans l'autre, d'un ami. Curieusement, un pays rassemble aussi, de loin, les deux écrivains puisque l'un, Andrea De Carlo, est italien et que le nom de l'autre, Hubert Mingarelli, fait penser à une origine transalpine...
Océan de vérité, d'Andrea De Carlo, fait allusion à un manuscrit perdu qui porte ce titre. Plutôt que perdu, il faudrait dire que le texte, écrit par un cardinal sénégalais mort du sida, a été subtilisé par un politicien italien afin d'éviter qu'il en soit fait un mauvais usage. Traduisez: pour que ne circule pas un témoignage dans lequel un prélat catholique s'oppose à toutes les positions de son Eglise sur les pratiques sexuelles.
Lorenzo Telmari, le frère du politicien en question, voudrait pourtant mettre ces mémoires au jour, donner à son auteur décédé l'occasion de faire entendre sa voix et respecter la volonté de son père, qui vient lui aussi de mourir et semblait décidé à publier le texte.
Si Lorenzo entreprend la recherche d'un autre exemplaire, c'est certes par conviction. Mais pas seulement: il est tombé amoureux de Mette, qui milite dans un groupuscule d'activistes et pourquit le même but.
A partir de là, Andrea De Carlo nous entraîne dans des aventures où l'idéalisme se mêle aux sentiments. Son roman est un véritable piège pour le lecteur, incapable de le lâcher jusqu'à la dernière page, avec un grand bonheur en guise de conclusion.
Dans La promesse, Hubert Migarelli pose Fedia sur le lac de retenue d'un barrage. Le jour n'est pas encore levé. Fedia ne met pas le moteur en route, pour respecter le silence. Il part donc à la rame pour une journée de navigation en eau douce, lui qui est mécanicien dans la marine.
Quand il était à l'école, sur les bords de la Baltique, il avait un ami, Vassili. Un lien puissant les unissait, qui ne s'est pas défait au fil du temps, même s'ils avaient été affectés à des navires différents. Aujourd'hui, Vassili n'est plus et Fedia se souvient de leur profonde complicité, des moments partagés
Dans un va-et-vient fascinant entre la mémoire et les moments du présent, Hubert Mingarelli donne un sens secret à la journée de Fedia. Comme dans la plupart de ses autres romans, il y a ici une belle harmonie entre l'homme et la nature au sein de laquelle se retrouve son personnage. Une harmonie avec le monde et les autres hommes, aussi, traduites dans quelques rencontres sur le lac, puis dans la rivière qui l'alimente.
On est touché par la grâce de ce livre court mais intense.