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Un livre en entraînant un autre… Fleur Jaeggy.

Publié le 09 avril 2009 par Caroline

Un livre en entraînant un autre, un auteur en entraînant une autre, j’ai découvert en lisant le Journal volubile d’Enrique Vila-Matas une écrivain qui m’était jusque là parfaitement inconnue. vila-matas01 Voici comment elle est présentée par l’écrivain espagnol :

Vous avez beaucoup entendu parlé de quelqu’un et vous vous êtes fait une petite idée de sa personne, si bien que vous vous approchez d’elle en vous attendant à tomber sur une femme froide, timide, d’une intelligence glaciale. Vous avez accumulé une telle somme de préjugés que, finalement, rien n’est comme vous l’attendiez. elle est chaleureuse et amusante mais, il est vrai, d’une intelligence glaciale, sur ce point vous ne vous étiez pas trompé. Fleur Jaeggy est son nom. j’ai toujours admiré ses écrits et je n’imaginais pas que je ferais un jour sa connaissance. une expérience inoubliable, comme si de nouveaux canaux hydrauliques s’étaient ouverts par temps de sécheresse.

Vila-Matas dit qu’elle…

…oublie la pénible marque féminine et intègre la dureté, la cruauté et la sobriété à ses glaciales, mais émouvantes et terribles histoires, désespérément intelligentes, fragiles et étonnamment vigoureuses.

Alors, j’ai voulu en savoir plus sur cette Fleur Jaeggy. Internet est là et l’article Wikipedia est uniquement en italien. On y apprend qu’elle est née à Zurich mais de mère italienne et est considérée par beaucoup comme la plus grande auteure de de langue italienne. Elle fut proche de Thomas Bernhard. Elle écrivit sur John Keats et Robert Walser. (Tiens, ça me rappelle quelqu’un !)
Vila-Matas en fan de l’écrivain suisse écrit ceci :

De Jaeggy, il n’est rien de supérieur à son roman Les années bienheureuses du châtiment, chef d’oeuvre que j’ai lu il y a quelques années. “il ne s’y parla jamais d’amour contrairement à ce qui se passe d’ordinaire dans la monde.”

20090306092912-fleur-jaeggy Je me suis précipitée pour acheter deux livres (parmi les trois traduit en français) et ce n’est pas que j’aie l’esprit de contradiction mais j’ai choisi non pas Les années bienheureuses du châtiment, mais les deux autres : La peur du ciel (un recueil de nouvelles) et Proleterka. En voici un extrait de ce dernier qui traduit parfaitement la froideur dont parle Vila-Matas, froideur jusqu’à la glace, qui en fait toute la beauté.

Les enfants se désintéressent de leurs parents quand ils sont délaissés. Ils ne sont pas sentimentaux. Ils sont passionnels et froids. D’une certaine manière, quelques enfants quittent les affections, les sentiments comme si c’étaient des choses. Avec détermination, sans tristesse. Ils deviennent des étrangers. Parfois des ennemis. Ce ne sont plus eux les êtres abandonnés, mais ce sont eux qui battent mentalement en retraite. Vers un monde sombre, fantastique et misérable. Et pourtant ils affectent parfois le bonheur. Comme un exercice de funambules. Les parents ne sont pas nécessaires. Certains enfants se gouvernent tout seuls. Le coeur, cristal incorruptible. Ils apprennent à feindre. Et la fiction devient la partie la plus active, la plus réelle, attrayante comme les rêves. Elle prend la place de ce que nous considérons comme vrai. Ce n’est peut-être que cela, certains enfants ont la grâce du détachement.

J’aime ce vagabondage de livre en livre, un auteur en entraînant un autre…

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