François Fillon, a invité mardi les Français “malgré leurs inquiétudes, à refuser la logique de la violence“. “Et je dis à ceux qui instrumentalisent ces inquiétudes pour justifier cette violence que la légalité républicaine s’exercera pleinement et fermement“. Les propos, qui visent l’extrême gauche mais aussi le PS, ont été prononcés, ce n’est pas un hasard, au cours d’une réunion à Matignon des sénateurs et députés de la majorité.
“On ne gagne rien à prendre en otage un chef d’entreprise dont le carnet de commandes est vide“, a affirmé le chef de gouvernement mué pour l’occasion en chef de meute de la majorité parlementaire. En se drapant dans le rôle du défenseur de l’ordre, rempart contre la chienlit gauchiste, le terne premier ministre retrouve des couleurs.
Devant les siens réunis pour une séance de motivation collective, François Fillon a tenu un discours que n’aurait pas renié en son temps un hiérarque de l’ancien RPR. Des propos balançant entre promesses de fermeté à l’égard “voyous” qui ont manifesté violemment à Strasbourg et à Bastia et, appel à l’unité nationale, “face à une extrême gauche qui souffle sur les braises de l’affrontement social“.
La France brûle mais la faute en revient selon François Fillon à l’opposition. S’exonérant de toute responsabilité dans la dégradation sociale, le chef de gouvernement a repris la rhétorique rodée quelques jours plus tôt par Eric Lefebvre, porte parole de l’UMP : “Ce n’est pas en courant derrière les idées de l’extrême gauche que l’on sortira notre pays de la crise“.
François Fillon s’est livré à son exercice favori, taper sur le PS dont il estime n’avoir “aucune leçon de morale à recevoir”. “Nous en avons fait plus que lui pour moraliser le système (financier) et davantage que la plupart de nos partenaires européens”. “Toute crise est malheureusement propice aux idées simplistes et aux postures caricaturales“.
Amnésie, à défaut d’amnistie, à l’égard des promesses trop rapides de Nicolas Sarkozy sur le pouvoir d’achat, la croissance et parfois très concrètement sur le sauvetage des emplois avec le succès que l’on sait comme à Gandrange. Trous de mémoire, sur les flirts avec la légalité quand il s’agit de nommer François Pérol à la tête d’une fusion bancaire imposée par l’Etat. Tête de linotte, quand après avoir annoncé à corps et à cris une moralisation du capitalisme la mise en œuvre passe par des décrets minimums ou de simples postures.
Peu importe. En soldat discipliné, François Fillon, le “collaborateur” de Nicolas Sarkozy, s’inscrit dans la ligne de conduite arrêtée par l’Elysée. “Qu’est-ce que c’est que cette histoire d’aller séquestrer les gens ? On est dans un Etat de droit, je ne laisserai pas faire les choses comme cela“, a déclaré le chef de l’Etat lors d’un déplacement dans les Bouches-du-Rhône. ” On peut comprendre la colère des gens, mais la colère des gens sera apaisée par des réponses et par des résultats, pas en aggravant les choses“.
Des résultats, c’est justement ce qu’attendent les Français, de plus en plus nombreux à penser qu’ils sont séquestrés en premier lieu par celui qu’ils ont placé à l’Elysée.
“Rien ne justifie jamais qu’on porte atteinte à la liberté des personnes, ni même d’ailleurs que l’on parte atteinte aux équipements ou aux biens“, a pour sa part déclaré Martine Aubry sur RTL. La première secrétaire du PS a cependant expliqué les séquestrations de dirigeants d’entreprise par le “sentiment d’humiliation” des salariés et l’absence, selon elle, de résultats de la politique économique et sociale du gouvernement. “Si on veut éviter les séquestrations, on ne parle pas, on fait“. “Ce qu’attendent les Français aujourd’hui ce sont des résultats“. Quand “les salariés ont fait des efforts, travailler 4 heures de plus sans être payés, renoncer à des primes, (et) qu’on annonce qu’il va y avoir des licenciements très importants et que quelques jours plus tard, on apprend qu’il y a dans l’usine même, dans l’établissement même, des bénéfices importants, des bonus, des stock options, eh bien devant une telle injustice, il y a un sentiment d’humiliation“.
Avec un malin plaisir, la Maire de Lille a rappelé une phrase prononcée par Nicolas Sarkozy en avril 2007: “Quand on recourt à la violence, ce n’est pas pour se distraire, c’est quand on est désespéré, quand on a plus de recours que l’on se sent condamné à la mort économique et sociale“. L’inconvénient avec les éléphants, c’est que même s’ils ne vont pas vite, ils ont de la mémoire.