Voici un parfait exemple du talent extraordinaire de Japrisot pour construire des intrigues. Dans Piège pour Cendrillon, livre complexe et brillant, une maison varoise a flambé, avec deux filles à l'intérieur, Mi et Do. Toutes les deux jolies et se ressemblant un peu. L'une est riche, jet-setteuse, gâtée, l'autre pauvre, employée, ambitieuse. Elles se connaissaient dans l'enfance, s'étaient perdues de vue, avaient renoué, étaient très proches, c'est-à-dire que la pauvre était devenue le jouet de la riche.
L'une des deux est morte dans l'accident, complètement carbonisée. L'autre s'en est sortie, mais sa face et ses mains ont brûlé: elle n'a plus de visage, plus d'empreintes digitales. Et en plus elle ne sait plus qui elle est. Amnésique, elle a perdu la mémoire suite au choc, et l'ADN, à l'époque, mes trésors, ce n'était pas encore ce que c'est. Mais la gouvernante appelée reconnaît immédiatement Michèle, la riche.
Japrisot nous fait suivre le monologue intérieur de cette blessée, depuis le réveil à l'hôpital jusqu'au moment où sa mémoire revient. Il y a d'autres récits dans le livre, des témoins qui racontent, mais l'essentiel est cette partie de cache-cache que la survivante joue avec elle-même, et les retournements de situation, le va-et-vient constant des identités, les indices qui épaississent le mystère...
Sébastien Japrisot, Piège pour Cendrillon, Folio