*** GRAND ECRAN
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LA JOURNEE DE LA JUPE (de Jean Paul
Lilienfeld)
Isabelle Adjani n’aime pas qu’on dise d’elle qu’elle est « de retour ». Mais force est de constater qu’elle se fait rare, et que les occasions de la voir dans des projets intéressants
ne sont pas légions, ces temps ci. La voici donc sur les grands écrans, après les petits ( le film a été diffusé sur Arte avant sa sortie en salle ) dans LA JOURNEE DE LA
JUPE. Le film s’inscrit d’emblée comme un contrepoint moins naïf et plus violent à la récente palme d’or « Entre les murs ». Encore une histoire de prof et de gestion de
classe, mais cette fois, point de gentil Bégaudeau pour sauver des ados à la déroute. Madame Bergerac est une prof de français en perdition, son couple bat de l’aile, et ses rapports avec sa
classe ( une bien grosse caricature de semi délinquants issus de l’immigration ) sont houleux. Misogynes, voyous potentiels ou carrément déjà dealers ( et violeurs, on verra ça en fin de film )
les gentils garnements en font voir de toutes couleurs à leur prof, et l’un d’entre eux va en cours avec une arme dans son sac. Arme qui finit entre les mains de la prof, qui perd les pédales et
finit par prendre en otage ses élèves en plein théâtre du lycée. Crédible ou pas ( et Adjani s’en sort plutôt bien, elle surjoue de ci de là mais globalement reste juste ) c’est au moins un
bon prétexte pour une scène juteuse à souhait : on découvre que pour faire entrer dans le crâne des plus réticents certaines notions, comme le vrai nom de Molière, rien de vaut un bon gros
gun pointé sur la tempe. Et ça marche, je vous jure. J’envisage cette hypothèse pour les verbes irréguliers, je crains juste une légère opposition du conseil des parents
d’élèves…
Ceux qui n’ont jamais mis les pieds dans une classe de Zep pourront s’esclaffer et croire au
délire du réalisateur. Oui bon, c’est un peu lourd par moments, les dialogues sentent un peu l’artificiel et sont grossis à outrance, mais je vous assure que si vous y êtes et que vous perdez le
contrôle de votre classe, ça peut vite donner un cadre d’ensemble assez proche de ce qu’on voit dans ce film. Film qui souffre quand même d’une grande interrogation. Qu’est-ce qui compte le plus,
au final ? Un discours sur la gestion de classe en zone difficile et le manque de moyens et de soutien des profs ( les collègues d’Adjani sont presque tous des requins ou des crétins, le
prof d’espagnol un gros con populiste qui se balade avec le coran dans son sac pour qu’on lui foute la paix ) ou une charge contre l’Islam et ses dérives, contre cette génération qui cite le
coran et encense leurs origines, sans respecter les principes de base les plus louables des textes sacrés, et attirent le déshonneur sur leur famille, et les lourds sacrifices qu’ils ont du
faire pour tout quitter et venir vivre en France ? On parle de l’école ou du coran tel que le fantasme les ennemis de l'Islam et les musulmans intégristes ? Ou bien est ce
simplement un brûlot maladroit pro féministe ( d’où le titre, oser mettre une jupe dans un tel contexte hostile, où un simple geste de le sorte vous transforme en pute de bas étage ) ? On a
du mal à s’y repérer, et le film se fait bien confus au niveau de ses idées et de ses objectifs. On navigue donc dans l’expectative et dans l’inconnu, guidé, il faut le reconnaître, par de bons
seconds rôles qui donnent un peu de légèreté et d’humour à un film qui se veut éprouvant et engagé, mais qui tombe quand même un peu trop dans l’attendu, et le consensuel, avec une fin un peu
bâclée qui permet d’évacuer le problème déjà évoqué : où veut donc en venir le réalisateur; et donc quelle morale peut-il apporter à ses interrogations ? A voir tout de même, avec une
seule mise en garde : n’apportera pas grand-chose au niveau de la réflexion et semblera un peu trop une caricature volontaire mais quelque peu maladroite. (6/10)