Parque National Torres del Paine, Chili
Après s'être rendu au campement de peine et de misère, la pluie nous détrempant de bord en bord et marchant parfois dans un demi pied de boue. Après avoir mouillé nos matelas de sol avec de la soupe et avoir passé la nuit dans le froid et l'humidité la tête appuyée sur des rouleaux de papier de toilette me servant d'oreiller, on se lève ce matin, et il fait soleil. Il y a une certaine justice sur Terre!
Après la pluie, le beau temps? Oui, c'est confirmé pour le moment mais, rappelons-nous que nous sommes en Patagonie et que le beau temps ici n'est pas à prendre pour acquis.
Je décide de prendre une journée de congé afin de reposer mes genoux pour la suite. J'en profiterai aussi pour faire sécher la presque totalité de nos vêtements au bord de la rivière.
Will quant à lui décide de marcher la vallée des Français en solo. Il n'a le temps que d'apercevoir un peu le glacier et d'avaler ses pois chiches avant que la pluie reprenne de plus belle accompagnée de vents puissants.
Il arrive encore complètement détrempé et grelottant à la tente. Heureusement, en tant que bonne petite blonde, j'avais du linge sec pour lui! Il enfile alors ses magnifiques joggings trop courts à la taille trop grande et à l'entrejambe déchiré, son superbe coton ouaté mauve acheté dans une friperie bolivienne à la coupe de petit gros et, ses bas gris avec la ligne orange en haut qui dégagent de fortes odeurs. Il a la goutte au nez et ça fait trois semaines qu'il ne s'est pas rasé. Je l'aime mon sexy chum! Il a une belle personnalité!
Au fond, c'est ce qui compte même si nous faisons rire de nous dans les sentiers avec nos bottes de trek. Eh oui, nous marchons les 100 kilomètres du parc en bottes de pluie. Notre plan original était de s'acheter de bonnes bottes de randonnée à Buenos Aires avant notre départ en Patagonie mais, vu le vol, nous étions découragés à l'idée de dépenser plus. Comme solution, nous nous sommes dotés de deux belles paires de bottes jaune canari dignes de l'école primaire.
On s'est dit, pourquoi pas. En Amazonie, tous les locaux en portaient, tout comme les paysans au Pérou ou les montagnards en Bolivie. Si eux sont capables, nous aussi !
Euh, erreur. Ça doit prendre des années d'expérience pour être confortable là-dedans, car moi, après peu de temps, je collectionne déjà les ampoules et chaque roche me rentre dans les pieds. Disons que ça ajoute un peu de défi et que ce n'est que pour une semaine. De plus, ça nous rend originaux et ça fait jaser.
Ici, les sentiers sont le site de vraies parades de mode et les mannequins sont plus ou moins sympathiques. En marchant, tout le monde se salue, c'est une espèce de coutume chez les randonneurs. Par contre, le soir, quand il s'agit de se trouver un coin de table dans les refuges au chaud, personne ne se presse pour nous faire une place et se mettent tous à nous ignorer… Pas de problème, nous avons une belle tente pour nous accueillir!
On se prépare un bon souper romantique à la lueur de la chandelle dans la petite gamelle que j'avais lorsque j'étais scoute. On profite aussi d'une nuit sans nuage et sans vent pour admirer les étoiles, mais pas trop longtemps, car il fait très froid.
Le lendemain, on reprend la marche vers le prochain campement. On dépasse tous les autres qui doivent éviter les trous d'eau et les flaques de boues. On est invincible avec nos bottes de canard.
On dort au bord du Lac Pehoé, le plus turquoise que l'on a vu jusqu'à présent. La nature est vraiment intacte. Pour vous dire, on peut même boire l'eau sans filtre et sans pastille de chlore, et ce, dans n'importe quel ruisseau du parc. Une eau fraîche, limpide et sans goût qui descend directement des glaciers pour nous désaltérer, nous, les athlètes. Ce matin, jour 6, nous entamons la marche vers le plus gros de ceux-ci : le glacier Grey. Le temps est gris et nous avons sept heures de marche à faire. Au bout d'une heure et demie, nous apercevons le lac Grey dans lequel flottent de magnifiques icebergs bleu ciel. D'énormes condors volent au même moment juste au-dessus de nos têtes.
C'est sous la pluie que nous complétons le parcours jusqu'au glacier. Arrivés au bout, malgré les averses qui empirent, on regarde le glacier qui plonge dans le lac. On prend tout de même le temps de manger nos sardines et d'écouter la glace craquer comme le tonnerre avant de retourner à la tente, trois heures de marche plus loin.
On termine le trek la septième journée en se levant avant le soleil pour réussir à prendre le bus à la sortie du parc, tout en évitant de prendre le coûteux bateau qui accélère la progression. On entreprend le dernier sentier dans le noir ou du moins, ce que le croyait être le sentier. Munis d'une petite lampe de poche rose et turquoise achetée au supermarché pour compléter le kit du parfait treker, on se trompe rapidement de chemin ne voyant quasiment rien. On se retrouve à monter trois fois la même montagne de buissons d'épines dans lesquels je me suis piqué les fesses en tombant. Tout ce qu'il y a de plus amusant à 6 heures du matin!
Nous finissons par trouver le bon chemin au lever du jour. Nous aurons encore appris quelque chose ce matin : partir à la noirceur ne fait pas gagner du temps, mais bien grafigner les jambes dans des buissons. Pertinent.
Plus que quatre heures de marche surveillée par les faucons et les aigles qui n'attendent qu'une faiblesse de ma part pour s'emparer de mon corps déjà faible. Sous peu, nous atteindrons le bus qui nous ramènera à Puerto Natales, là où nous mangerons les tacos qui ont occupé nos rêves tout le trek durant.
- Nad avec encore une nouvelle expérience dans le corps!