Vincent Delecroix n'écrit pas une « biographie » d'Achille, loin de là, nous ne sommes pas du tout dans ce registre, ce n'est même pas une vie romancée du héros. L'auteur s'adresse au lecteur directement et l'insère dans la vie d'Achille, vous devenez alors bien volontiers l'admirateur de la figure légendaire Grecque. Mais attention, cette proximité avec le roi des Myrmidons nous le montre aussi sous tous ses visages, violent, colérique avec Agamemnon, toujours à la tête du combat à Troie, mais aussi travesti et vivant au milieu des filles de Lycomède, choisissant ses partenaires dans les deux sexes, et enfin mortel, tué comme on le sait par une flèche décochée par Pâris et qui l'atteindra au talon.
Ecrit dans une langue somptueuse qui demande un minimum d'investissement de la part du lecteur, le style devient musique et l'on se laisse enjôler par le texte cultivé et poétique où l'on croise Priam, Patrocle, Centaure et tant d'autres encore. Achille court à sa mort et « à la différence d'Ulysse n'envisage pas de retour, d'où sa tragédie qui est aussi la nôtre ».
« Mais c'est aussi cela qu'il chasse : sa propre mort, comme le terme de la course. Il va si vite qu'il franchit le monde et entre en courant, tout armé, chez les morts, bousculant même les dieux. Achille est pressé de mourir, il court vers l'immortalité et il n'a pas le temps. Le choix qu'il fit d'une vie courte, ardente et glorieuse, plutôt que d'une existence longue et obscure, l'a jeté dans la course, en a fait le prompt Achille et sa beauté est celle de la flamme vive et destructrice, pour laquelle toute étape, tout repos, tout arrêt est un sursis. »
Vincent Delecroix Tombeau d'Achille Gallimard