A Nice, devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes, le maire de Vence est défendu depuis lundi par la terreur des prétoires.
« Je ne suis pas un pot de géranium planté devant Iacono ». Premier jour du procès du maire de Vence, devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes. Eric Dupond-Moretti plante le décor. Pas de doute, le champion de France de l’acquittement n’a pas fait le voyage depuis Lille pour rien. Et, surtout, il ne lâchera rien. Il déboule à Nice pour faire innocenter Christian Iacono, notable respecté mais accusé de viols et d’agressions sexuelles par son petit-fils. Enquêteurs de police, experts médicaux, témoins se suivent à la barre depuis lundi. L’un après l’autre, ils passent tous sur le gril, façon Dupond-Moretti. Sa recette ? Les deux pieds dans le plat et le verbe haut. Convainquant ou agaçant, c’est selon. Mais toujours virulent.
Aux policiers, le défenseur du maire de Vence reproche les questions dites « induites », questions orientées qui manquent cruellement de neutralité pour le pénaliste. Après les conclusions d’un expert psychologique jugeant crédible les affirmations de la victime, il explose : « La messe est dite, vous avez fait le verdict ! Les experts prennent la place des juges, c’est ça la leçon d’Outreau ! » Le ténor réclame la prudence lorsqu’il s’agit d’interpréter la parole de l’enfant. Il glisse au passage la référence à son principal fait d’arme, le scandale judiciaire qui a fait vaciller la justice en 2004. Le psychologue résiste. Il rappelle qu’il ne s’appuie pas sur une science exacte, mais d’après lui, le petit-fils de Christian Iacono paraît crédible quant, à 9 ans et demi, il avoue que son grand-père, « papy Christian », l’a violé à deux reprises.
« Vos grimaces m’insupportent, jeune homme ! »
Aujourd’hui, la victime présumée est un jeune majeur de 18 ans. A la barre, il s’exprime tout en retenue, réaffirmant ses déclarations avec plus de froideur que d’émotion. « A la base, j’aime mon grand-père, enfin j’aimais… » rectifie t-il. Et d’ajouter, juste après avoir détaillé les viols, « je mourrai avec ». Son avocat, pour prévenir la charge de la défense, lui demande s’il n’a pas pu rêver tout ça. La réponse fuse : « La douleur, ça ne se rêve pas. »
Les défenseurs de Christian Iacono entrent en scène. Comme d’habitude, Eric Dupond-Moretti ouvre le bal. Il réclame au jeune homme de nouveaux détails sur les viols. Face à lui, l’avocat général souffle discrètement. Jeune trentenaire, sorti de l’école nationale de la magistrature il y a moins de 4 ans, le représentant du ministère public ne tarde pas à se faire moucher. « Vos grimaces m’insupportent, jeune homme ! » gronde l’ogre des prétoires. « Alors arrêtez, parce que moi aussi, je sais faire des grimaces. Et c’est pas à un vieux singe qu’on apprend à en faire, des grimaces ! »
Deuxième journée d’audience. Le ton reste le même. Comme si Eric Dupond-Moretti dominait les débats, mettant la pression sur le jeune avocat général et la présidente de la cour, qui vit là l’une de ses premières grosses affaires. Le « vieux singe », lui, compte 25 ans d’assises derrière lui. Et le record national d’acquittements ! Alors, dans une salle d’audience, il est un peu chez lui. Il invective l’avocat général, interromps les témoins. Il se permet de répondre à un appel sur son portable, au nez des policiers. Comme dirait Dupond-Moretti : « Pardonnez-moi, mais c’est tout de même pas anodin comme attitude ça, madame la présidente ».