Iran-USA : discussions secrètes à Genève

Publié le 08 avril 2009 par Delphineminoui1974

Américains et Iraniens discuteraient depuis six ans en coulisse. C'est ce que révèle, hier, un article rédigé par notre confrère suisse Stéphane Bussard, et paru dans Le Temps de Genève.

On y apprend que des chercheurs et professeurs américains, européens, iraniens, arabes - et même israéliens - se rencontrent régulièrement, dans le plus grand secret. Objectif : établir des ponts informels pour éviter le pire (c'est-à-dire une confrontation militaire, en cas de décision occidentale ou israélienne d'anéantir l'arsenal nucléaire iranien).

 
Ces réunions ont généralement lieu à Genève.  Ce processus, baptisé « Track II », s'inspire, d'après un professeur cité dans l'article, des accords d'Oslo. «Le processus d'Oslo a commencé à ce niveau. Entre Iraniens et Occidentaux, il est essentiel de se parler, car les perceptions qu'on peut avoir des uns et des autres sont parfois très éloignées de la réalité. Le pire, c'est de se déshumaniser réciproquement», dit-il.

 
Jusqu'à ce jour, environ 400 universitaires auraient pris part à ces rencontres, initiées en 2003 - au début de l'invasion américaine en Irak, alors que Khatami était encore président en Iran -

.Selon Le Temps, cette diplomatie informelle n'est pas déconnectée de la politique officielle de Washington et de Téhéran. Elle s'effectuerait avec un soutien en haut lieu. « Lors de la dernière réunion, qui s'est déroulée au début mars, un proche du gouvernement iranien était présent, de même qu'un ambassadeur d'un autre Etat. Ce dialogue semble avoir l'aval du Conseil du discernement iranien et de l'ex-président Ali Akbar Hachemi Rafsandjani », précise Stéphane Bussard. Avant d'ajouter : « Les fuites dont Le Temps se fait l'écho apparaissent dès lors comme une volonté d'influer sur la campagne qui mènera à l'élection présidentielle iranienne du 12 juin».


Attention à ne pas trop attendre de ces réunions secrètes, préviennent cependant les connaisseurs de l'Iran. Lors de la campagne précédant la dernière élection présidentielle iranienne (juin 2005), des proches de Rafsandjani s'étaient affairés à faire la tournée des Ambassades occidentales de Téhéran en les convaincant d'une victoire garantie de cet ex-Président. Ils vendirent la peau de l'ours avant de l'avoir tuée.

A la surprise générale, c'est Mahmoud Ahmadinejad qui finit par remporter le scrutin. Pour des raisons, avant tout, de politique interne : ses promesses d'ordre économique, sa capacité à activer certains relais influents (les mosquées, les bassijis), et le soutien moral du guide suprême...

En 2003, rappellent également les spécialistes de l'Iran, une tentative de dialogue irano-américain avait également été amorcée, en coulisse, par les réformateurs du clan Khatami. Une lettre envoyée à Washington, et exposant les modalités d'une détente possible, avait d'ailleurs reçu le soutien de l'Ambassade de Suisse de l'époque, Tim Guldimann (qui joue également le rôle de représentant des intérêts américains en Iran, depuis le gel des relations diplomatiques entre les deux pays).

Mais elle avait non seulement été ignorée par Washington, mais aussi, semble-t-il, dénigrée par le clan d'Ali Khamenei, qui reste le décideur numéro un en République islamique d'Iran...