Rendre la palpitation de la peau à partir d'un applat de couleurs, quel pari ! A moins que le pinceau et la couleur ne soient, comme le stylo et l'encre, que les organes de perception des artistes. « Ce qu'il y a de plus profond chez l'homme, c'est la peau » affirmait Valéry. C'est en regardant les peintures d'Ingres que ce paradoxe me paraît directement compréhensible.
Tout n'est pas parfait cependant du point de vue de la représentation ! Est-ce une marque de débordement érotique chez le peintre ? On constate en effet que le volume de chair déborde le modèle, et c'est une constante chez Ingres ! Longueur de dos démesuré, sein enkisté pour faire valoir la rondeur, cou musclé de camionneuse, trapèze de nageuse... « Oreiller de chair fraiche » écrivait Baudelaire dans « les Phares ». Il y a sans doute dans le trait des Rubens, Fragonard et des autres un retentissement accoustique du désir mais elles s'écrivent autrement.