Montée insurrectionnelle

Publié le 08 avril 2009 par H16

Le désespoir semble frapper durement la célébritude de l'ex-future gagnante de la présidentielle et ex-future gagnante au poste de secrétaire du PS ; les sommets s'enchaînent et la font totalement disparaître des radars médiatiques, et seules ses petites phrases idiotes lui permettent de remonter un peu dans le ranking des nouvelles Google ou Yahoo. Mais il faut dire qu'avec les échauffourées de Strasbourg, la pauvrette aura bien du mal, sans surenchérir sur ses propres bêtises, à occuper longtemps le devant de la scène...

Avec d'un côté la criiiiise et de l'autre les mouvements de casseurs qui dérapent, on peut se demander ce qu'il faut faire, de nos jours, pour attirer l'attention. Lorsqu'on est politique et qu'on veut exister, il faut soit être aux endroits où l'actualité tourne son oeil, soit faire l'actualité, quitte à remuer à coups de grands moulinets vains et de boulets oratoires la merde qu'on s'emploie pourtant normalement à camoufler.

C'est ce que tous les acteurs de ces derniers événements ont compris : de ce point de vue, Ségolène Royal n'échappe pas à la règle. Tout comme Besancenot, chacun s'emploie à participer au contenu des papelards moites de la presse quotidienne.

Le premier, qui a dû, la mort dans l'âme, laisser tomber sa merguez-party à La Poste, aura donc tout fait pour se retrouver au centre de la manifestation qui a, comme prévu, dégénéré pour tourner à la bataille rangée.

Je dis "comme prévu", puisque la seule surprise, qui n'a pas eu lieu ce week-end, aurait été que ces rassemblements de gentils contestataires pacifiques ne tournent pas au grabuge.

Eh oui, c'est devenu une vérité quasi-immuable : mettez des forces de l'ordre d'un côté, des militants anti-capitalistes pacifiques de l'autre et vous obtiendrez, avec la régularité d'un coucou suisse, quelques hectomètres de pellicule ou quelques gigaoctets de photos croustillantes, recettes de cuisine alternative pour incendiaires en culotte courte ou méthodes improvisées pour bouter le feu à différents éléments de paysage urbain.

Et comme prévu, le maire de la localité va réclamer à cors et à cris une intervention de l'Etat qui aurait abandonné les citoyens (si seulement !).

Tout se déroule donc comme sur du velours. La partition des forces de l'ordre est elle aussi écrite de longue date : on aura réussi à ménager la chèvre et le chou, puisque finalement, il n'y a eu "que" des dégâts matériels pour ce qui aurait pu donner lieu à des accidents. Il y a eu quelques blessés légers là où, sans le "sang-froid et la détermination" de nos habiles pandores, de nombreux cadavres auraient pu joncher les rues. Enfin. C'est ce qui est dit... Et Sarkozy peut, là encore, entonner sa petite ritournelle sécuritaire et paternaliste, mélangeant d'un côté l'Etat Ne Vous Laissera Pas Tomber avec une pincée de Je Veux Des Sanctions Exemplaires. Du velours, vous dis-je.

Tant et si bien qu'on se demande si tout ceci n'est pas une véritable pièce de théâtre, un spectacle bien huilé où chacun connaît son rôle et ses attributions, la marge de manœuvre et jusqu'aux répliques.

Pour le facteur, il se fera benêt : sortant son petit mouchoir et son air indigné, il pleurnichera que les forces de l'ordre "ont tout fait" pour que la manifestation parte en soda pétillant aux extraits végétaux vendu par une société capitaliste qui doit se frotter les mains de la discrète publicité qu'il leur aura faite. Olivier, si tu me lis, n'hésite pas à passer les voir pour toucher ton cachet.

Pour les alter-mondialistes, alter-comprenants anti-capitalistes et ultra-néo-collectivistes, on retombe dans les mantras habituels du "C'est Pas Nous, C'est Les Casseurs", posture facile puisque rodée au cours des centaines de manifestations où on retrouve toujours les mêmes alters d'un côté et les mêmes "casseurs" de l'autre, qui se connaissent et s'entraident généreusement. C'est ça, le collectivisme : la majorité se drape de pacifisme pendant que la minorité peut tout casser.

Et pour le gouvernement, ces exactions donnent encore l'occasion de justifier toutes les augmentations futures des moyens policiers. Evidemment, ces moyens seront orientés people, et non citoyen de base. Encore une fois, si fracture il y a, elle est bien là : la protection joue à plein pour les puissants, et laisse les citoyens de base à leurs petites affaires, petites voitures qui brûlent, petits commerces en fumée, petites vitrines brisées sans intérêt.

Et si on pousse le cynisme un peu plus loin, on se demande même si ce crétin de Besancenot n'aurait pas eu raison, pour une fois : et si, effectivement, les autorités avaient tout fait pour que la manifestation tourne mal ? Ce serait en effet fort bien joué pour augmenter encore le ressentiment de la population contre les casseurs, et donner ainsi les coudées franches aux forces de police lorsque celles-ci auront, un jour, l'ordre de tirer dans le tas...

Allons allons. Je divague.

Voir autant de stratégie dans un gouvernement serait leur donner bien du crédit, leur accorder un petit côté machiavélique qu'on ne peut pas soupçonner autrement.

Cependant ... Cependant, force est de constater que les forces de polices commencent à envisager l'utilisation de la force pour assurer l'ordre. On retrouve de timide essais (précurseurs ?) pour un Crous à Paris, et, nouvellement, une condamnation officielle de Sarko de la séquestration de patrons...

Ces constatations posées, deux possibilités se font jour.

La première, c'est que, comme à son habitude, les gens qui nous gouvernent trottinent sur leur lancée comme des poulets erratiques auxquels on aurait coupé la tête. En clair : Sarkozy réagit de façon purement politique et épidermique, sans réellement planifier quoique ce soit, le gouvernement gère les affaires courantes, sans voir plus loin que le bout de son nez, et la mise en place d'un début d'utilisation de la force pour faire revenir le calme n'est que l'artéfact logique d'une montée en puissance des débordements, sans plus.

C'est possible : tant le gouvernement que le président nous ont habitué à leur médiocrité toujours plus large et consensuelle. Ce ne serait qu'un pas de plus vers la mollesse et l'absence de vision générale, absence qui conduit tous les jours un peu plus ce pays au fond du gouffre - rappelez-vous : Ce Pays Est Foutu :) ! -

Mais il reste la seconde possibilité : tout ceci répond en fait à une prise de conscience, très tardive mais réelle, qu'un souci majeur d'ordre public va se poser dans les prochains mois. Rien ne permet d'affirmer que nos gouvernants auraient des informations sur l'accroissement potentiel des troubles, rien ne permet de dire ou d'écrire que l'avenir leur est prédit plus sombre qu'il ne l'est déjà. Mais rien ne permet d'affirmer le contraire non plus, et il n'est pas totalement à exclure que, pour une fois et contre toute habitude, les gens de pouvoir sentent nettement que leur position risque de devenir inconfortable s'ils ne font pas rapidement revenir quelques bases de calme dans une population que les troubles perpétuels excitent.

En effet, entre les Universités, les Antilles, les manifestations qui tournent mal, le tout sur fond de crise générale dont on peine de plus en plus à voir le bout, l'actualité n'est plus qu'une longue succession de faits divers où la crapule et le voyou agissent impunément sans qu'un proverbial et nécessaire coup de latte rotatif ne vienne leur arracher quelques poignées de dents avant de les traîner, burnes au poing, jusqu'à la geôle la plus proche où ils mériteraient de croupir dans une longue et pénible déchéance totale.

Dès lors, on peut se demander : nos élites sentiraient-elles l'odeur du roussi venir jusqu'à leurs balcons fleuris ?

Cette question, empreinte d'un parfum révolutionnaire, permet accessoirement la mise en perspective des consternantes saillies de Royal : pendant que la République tressaute et se débat dans ce qui ressemble à une agonie, le pathétique de sa manoeuvre outrancière est à l'image exacte de la politique en France.

Futile.