Réforme du Top 14 : tout changer pour ne rien changer...

Publié le 08 avril 2009 par Ansolo

On sait que notre pays passe pour rétif au changement. Les réformes sont aussi difficiles à faire passer qu'une cuillère d'huile de ricin.

Ajoutons à cela une pincée de "mythe de l'âge d'or" (qui vous fait préférer le passé, un passé idéalisé et généralement fantasmatique), et vous aurez une définition de la mentalité française à cet égard.

Alors on ne va pas reprocher à la Ligue nationale de rugby d'être parvenue à proposer un train de réformes.

Pour autant, on ne peut s'empêcher de voir dans les annonces de la Ligue une illustration de la façon dont ceux qui nous dirigent envisagent ces fameuses réformes : on veut tout changer, on annonce qu'on veut changer, et au final rien ne change vraiment. On serait même tenté d'ajouter, pour paraphraser Lampedusa, que dans l'esprit des gouvernants, il faut que tout change pour que rien ne change...

Qu'on en juge :

D'abord le calendrier. On passe son temps à lire et entendre toutes les critiques imaginables sur la surcharge dudit calendrier. Et voilà que la LNR nous concocte une date supplémentaire avec un pseudo quart-de-finale entre les équipes classées de la 3ème à la 6ème place. Les deux premiers recevant en demies dans le stade de leur choix.

Le président de la Ligue, Pierre-Yves Revol, déclare que les joueurs ne jouent pas trop. Evidemment, il pense à tous ceux qui ne connaissent pas les honneurs d'une sélection nationale. Ce qui représente, reconnaissons-le, une large majorité des effectifs. Cependant, on aimerait savoir si ces professionnels seront heureux de constater qu'ils n'ont pas de plage de repos supplémentaire, bien au contraire. Quant aux internationaux, il faudra s'en remettre à la sagesse des clubs et/ou l'application intelligente des stipulations de la convention collective en matière de plages de repos.

Inutile de dire que ce n'est pas la réforme qui nous parait la plus pertinente. Certes, on peut défendre, comme le fait Patrick Sébastien, président de Brive (et actuel 5ème du classement...) que le Top 14 est une entreprise de spectacle et que le match supplémentaire va dans ce sens. Plus de suspens, moins de "ventre mou".

On peut aussi, comme l'éternel Guy Novès, trouver que la barque, à force d'être chargée et surchargée, finira pas couler. Et avec elle les entrepreneurs de spectacle...

Deux autres mesures paraissent aller dans le bon sens, à savoir le salary cap et l'obligation d'un recrutement majoritaire de joueurs issus des fillières de formation françaises.

Le salary cap imposera aux club un plafonnement des salaires. L'objectif est d'éviter que le fossé ne se creuse entre les "gros" clubs et les formations les moins fortunées. Cependant, le plafond sera calculé à partir des trois plus grosses masses salariales. Autant dire que certains clubs ne verront pas de grand changement, puisqu'ils continueront d'être sous le plafond. Quant aux plus gros, ils auront sans doute les moyens d'échapper aux sanctions par des voies détournées. D'ailleurs, la Ligue reconnait qu'elle devra trouver un système permettant de connaître précisément les montants versés aux joueurs en plus de leur salaires.

L'obligation faite aux clubs, à partir de 2010, de compter dans leur effectif contractuel plus de 50% de joueurs formés en France (ayant au moins 5 années de licences FFR avant 21 ans ou ayant passé 3 ans en centre de formation) est a priori une excellente nouvelle pour la formation tricolore et, partant, le XV de France. Le taux de joueurs formés en France passera même à 70% en 2011.

Certains disent que cela aura pour effet de pousser au recrutement de très jeunes étrangers. Cela est loin d'être certain. En revanche, les clubs les mieux structurés et ayant le plus gros potentiel financier seront avantagés puisqu'ils auront les moyens d'attirer à eux les jeunes les plus prometteurs.

Au final, cette réforme est à moitié satisfaisante. Elle veut relancer la compétition entre les clubs du Top14 mais ne changera rien aux inégalités financières (elle le voudrait qu'elle ne le pourrait pas, de toute façon) et ne devrait pas fondamentalement remettre en cause la suprématie de quelques clubs. Certains, et pas des moindres (Guy Novès, toujours lui), reprochent aux mesures adoptées par la LNR de saper la compétitivité des clubs au plan européen. Au demeurant, cette compétitivité semble déjà bien écornée...

Bref, tout va changer, et rien ne changera sans doute...