Question on ne peut plus actuelle, en ces temps de crise historique du capitalisme… C’est aussi le titre du dernier livre de Muhammad Yunus, l’inventeur du micro-crיdit et Prix Nobel de la Paix 2006, qui vient de sortir en poche.
Il y aurait beaucoup א dire sur cet ouvrage riche et foisonnant, qui est א la fois un plaidoyer ambitieux et convaincant pour le dיveloppement des « social business », mais aussi une sorte de point d’יtape d’une aventure collective exceptionnelle.
J’en propose ici une lecture personnelle, mettant en relief les יlיments m’ayant plus particuliטrement intיressי.
Pour un capitalisme multidimensionnel
M. Yunus est un ardent dיfenseur du capitalisme et du marchי : il y voit une source de dynamisme, d’efficacitי, de libertי, de crיativitי, d’innovation pouvant permettre aux pauvres de se rיapproprier leur destin et de dיvelopper leur niveau de vie et celui de leurs familles.
Mais il est en mךme temps trטs lucide sur les consיquences sociales et יcologiques du systטme יconomique actuel : aggravation des inיgalitיs, pיrils יcologiques (le Bangladesh est gravement menacי par la montיe des eaux d�e au rיchauffement climatique), exclusion sociale au Sud comme au Nord,...
Il se prononce donc assez classiquement pour un libיralisme rיgulי : « Pour moi, la mondialisation est comparable א une autoroute א cent voies parcourant le monde. Si cette autoroute est librement accessible א tous, ses voies seront monopolisיes par les camions gיants des יconomies les plus puissantes. Les pousse-pousse bangladais en seront יjectיs. Afin que la mondialisation profite א tous, nous devons avoir un code de la route, une police de la circulation, et une autoritי assurant la rיgulation du trafic sur cette autoroute mondiale. La loi du plus fort doit ךtre remplacיe par des rטgles qui prיservent la place des plus pauvres. La mondialisation ne doit pas devenir un impיrialisme financier. »
Il formule aussi une critique trטs intיressante de la logique actuelle de fonctionnement du capitalisme : « Le capitalisme a une vue יtroite de la nature humaine : il suppose que les hommes sont des ךtres unidimensionnels qui recherchent exclusivement la maximisation du profit. (...) La thיorie du libre marchי souffre d’une dיfaillance de conceptualisation, d’une incapacitי א saisir l’essence mךme de l’humain. (...)
Notre thיorie יconomique a crיי un monde unidimensionnel peuplי par ceux qui se consacrent au jeu de la concurrence et pour qui la victoire ne se mesure qu’א l’aune du profit. Et comme cette thיorie nous a convaincus que la recherche du profit constituait le meilleur moyen d’apporter le bonheur א l’espטce humaine, nous imitons avec enthousiasme la thיorie en nous efforחant de nous transformer en ךtres unidimensionnels. Et le monde d’aujourd’hui est si fascinי par le succטs du capitalisme qu’il n’ose pas mettre en doute le systטme sous-jacent א la thיorie יconomique. La rיalitי est nיanmoins trטs diffיrente de la thיorie. Les individus ne sont pas des entitיs unidimensionnelles ; ils sont passionnיment multidimensionnels. Leurs יmotions, leurs croyances, leurs prioritיs, leurs motifs peuvent ךtre comparיs aux millions de nuances que sont susceptibles de produire les trois couleurs primaires. (...)
Le succטs de la Grameen Bank s’est appuyי sur la volontי de reconnaמtre et d’honorer les motivations dיpassant le cadre יconomique. Les ךtre humains ne sont pas simplement des travailleurs, des consommateurs, ou mךme des entrepreneurs. Ce sont aussi des parents, des enfants, des amis, des voisins et des citoyens. Ils s’inquiטtent pour leur famille. Ils se soucient de leur communautי. Ils se prיoccupent beaucoup de leur rיputation et de leurs relations avec les autres. Pour les banquiers classiques, ces questions humaines n’existent pas. Mais elles sont au cœur de ce qu’entreprend la Grameen Bank. »
Rappelons qu’א la base, M. Yunus est un professeur d’יconomie qui, dans les annיes 70, n’en pouvait plus d’enseigner d’יlיgantes thיories יconomiques alors que la pauvretי et la famine ravageaient son pays...
La vision de Yunus de la pauvretי est aussi logiquement multidimensionnelle et ne se limite pas א une vision strictement יconomique. Pour dיfinir la pauvretי, la Grameen Bank (GB) a יtabli une liste de 12 critטres qui portent sur le niveau de revenu mais aussi sur les conditions de logement, d’alimentation, d’יducation ou de santי.
Ce qui l’amטne א fortement remettre en cause la focalisation des programmes de dיveloppement sur l’accumulation des biens et la rיussite matיrielle : « L’essence du dיveloppement consiste א changer la qualitי de vie de la moitiי pauvre de la population. Et cette qualitי de vie ne se rיsume pas א la taille du panier de consommation. Le dיveloppement doit comprendre la crיation d’un environnement propice א l’expression par les pauvres de leur potentiel de crיation. C’est plus important que n’importe quelle mesure du revenu ou de la consommation ».
Yunus dיnonce יgalement quelques autres « angles morts » de la thיorie יconomique orthodoxe comme les hypothטses de raretי de la capacitי d’entreprendre ou encore de non-diffיrentiation entre hommes et femmes (les femmes jouent un rפle primordial dans la GB).
Ainsi, pour Yunus le capitalisme tel qu’il fonctionne aujourd’hui ne sait absolument pas rיpondre aux problטmes sociaux et יcologiques actuels, et les instruments existants (pouvoirs publics, institutions internationales comme la Banque Mondiale, action caritative et humanitaire) sont utiles mais ont montrי leurs limites.
Mais il ne jette pas le bיbי du marchי avec l’eau du bain des dיrives du capitalisme... Il propose au contraire d’utiliser les vertus du marchי (efficacitי, dynamisme, innovation, dיveloppement...) pour l’appliquer א la rיsolution des problטmes sociaux et יcologiques persistants. C’est ce qu’il appelle les « social business ».
Les social-business
M. Yunus dיfinit les « social business » (SB) comme des entreprises ayant des objectifs sociaux ou יcologiques. Il en distingue deux types :
Celles qui appartiennent א des investisseurs ou propriיtaires, mais א qui elles ne reversent rien au-delא du remboursement de leur mise initiale (pas de dividendes). Les profits sont rיinvestis dans le projet. Les investisseurs sont donc ici motivיs par l’impact social non par la maximisation du profit.
C’est le cas par exemple de Grameen Danone, joint-venture montיe entre les deux entreprises pour « rיduire la pauvretי grגce א un modטle יconomique de proximitי permettant d’apporter quotidiennement des יlיments nutritifs aux pauvres » [1].
Celles qui appartiennent aux pauvres, א qui elles s’adressent. Le bיnיfice social vient ici du mode d’appartenance. Les dividendes peuvent ךtre versיs aux propriיtaires (les pauvres). La GB en est un exemple. Dans le livre, M. Yunus retrace aussi l’incroyable histoire de cette entreprise, nיe il y a prטs de trente ans dans le village de Jobra et א l’origine du « micro-crיdit » qui touche aujourd’hui plus de 100 millions de personnes dans le monde [2]
Les deux peuvent se combiner. A partir de l’expיrience de la GB, Yunus et ses יquipes ont lancי plus de vingt nouvelles SB (dont certaines sont dיcrites dans le livre), dans des domaines trטs variיs : יlevage de poissons et de bיtail, agriculture, alimentation, santי, יducation, textile, יnergies renouvelables, finance, high-tech, tיlיcom, Internet... avec א chaque fois un impact social significatif.
Le SB fonctionne comme une entreprise classique : il a des produits, des services, des marchיs, des charges et des recettes. Mais le principe de maximisation du profit est remplacי par celui de maximisation du bיnיfice social. « Cela introduit les avantages des marchיs concurrentiels dans le champ du progrטs social ».
Pour Yunus, Les SB permettent de combler les carences des outils existants (qui demeurent selon lui indispensables dans certains contextes) : apporter de l’efficacitי et de la flexibilitי lא oש la puissance publique pךche par bureaucratie ou par inertie ; apporter de la pיrennitי et de l’autonomie lא ou les ONG sont souvent dיpendantes de leurs financeurs et sont fragilisיes ; apporter du rיalisme et de l’innovation lא oש les institutions internationales sont enfermיes dans des grilles de lecture inadaptיes et dans le conformisme א la doxa dominante.
« Une fois qu’un projet social rיussit א vaincre la force gravitationnelle de la dיpendance financiטre, il est prךt pour le vol dans l’espace. Un tel projet est autonome et recטle un potentiel de croissance et d dיveloppement presque illimitי. Et pendant qu’un social-business croמt, les bיnיfices qu’il apporte א la sociיtי croissent יgalement. »
Crיer un environnement favorable aux SB
Les SB ne pourront pas se dיvelopper sans un environnement favorable. Pour Yunus, cela nיcessite la mobilisation complיmentaire de diffיrents types d’acteurs.
Les pouvoirs publics peuvent y contribuer par une dיfinition claire et stricte de ce qui est (ou n’est pas) SB, pour permettre une reconnaissance institutionnelle et יviter les abus, dיrives et rיcupיrations. Ils peuvent יgalement crיer des avantages fiscaux spיcifiques aux SB ainsi que des exonיrations fiscales pour ceux qui investissent dans les SB.
M. Yunus appelle יgalement de ses vœux la crיation d’un vיritable יcosystטme יconomique des SB : avec un « Social Wall Street Journal », un « Dow Jones Social », une bourse sociale, des fonds d’investissement et autres outils de financements dיdiיs ; des comptabilitיs, indicateurs, יvaluations, contrפles, certifications spיcifiques... Bref, tout ce que l’on trouve dans le business « classique », א la diffיrence majeure que la mesure de la rיussite n’est pas la maximisation du profit mais celle du bיnיfice social.
Et en France, alors ?
Un regret : Yunus prיsente les SB comme une nouveautי et se focalise sur les expיriences Grameen alors qu’elles existent depuis longtemps dans beaucoup de pays d’Europe et d’Amיrique (Nord ou Sud). Il parle trטs briטvement du mouvement coopיratif א qui il reproche de trop se concentrer sur l’intיrךt collectif des membres de la coopיrative et pas sur l’intיrךt gיnיral ou celui des pauvres.
En France, l’idיe des SB renvoie aux entreprises de l’יconomie sociale et solidaire. On retrouve d’ailleurs les deux types de SB dיcrits par Yunus : celles qui ont un objectif social et ne reversent pas ou peu de dividendes (entreprises associatives d’utilitי sociale, entreprises d’insertion, entreprises adaptיes...), celles qui appartiennent א leurs clients (mutuelles, coopיratives de consommateurs, et de maniטre un peu diffיrente, les Scic), mךme si il est vrai que leurs clients ne sont pas spיcifiquement pauvres.
Les exonיrations fiscales souhaitיes par Yunus existent en France pour les personnes soumises א l’ISF qui investissent dans des entreprises d’insertion.
Yunus met aussi en avant un modטle יconomique de pיrיquation (prix de marchי pour les personnes aisיes, prix bas pour les pauvres), qui est au cœur de nombreuses entreprises de l’יconomie sociale (par exemple dans le tourisme associatif).
On pourrait continuer la liste des similaritיs. Il y a bien s�r des diffיrences : le dividende n’est gיnיralement pas nul (lorsqu’il s’agit d’entreprises de type SA, SARL) mais il est limitי et plafonnי. Les modטles יconomiques des entreprises sociales intטgrent aussi souvent une part plus ou moins forte de subventions publiques, mais ce point est א nuancer, car ces « subventions », sont en fait des prestations dיguisיes.
Elles pourraient en effet trטs bien prendre la forme d’un contrat pour un service rendu. Par exemple, dans une entreprise d’insertion dont le modטle יconomique est composי א 80 % de vente de biens et services et א 20 % d’aides au poste, ces 20 % pourraient ךtre transformיs en une prestation vendue aux pouvoirs publics au titre de la lutte contre l’exclusion. Une rיflexion est d’ailleurs engagיe dans ce sens (יvolution vers une offre de services) au niveau des pouvoirs publics en lien avec les acteurs de l’insertion par l’activitי יconomique.
Une vision ambiguכ de la « maximisation des profits »
M. Yunus a une lecture critique de la RSE (responsabilitי sociale des entreprises). Pour lui, la mission des entreprises « classiques » יtant de maximiser leur profit, la RSE est au mieux mineur (marginale) au pire cosmיtique : la recherche du profit maximum ne peut ךtre combinיe avec la recherche de bיnיfices sociaux ou יcologiques maximum.
Il ne croמt pas aux solutions hybrides : « Dans le monde rיel, il sera trטs difficile de gיrer des entreprises ayant des objectifs conflictuels. Les dirigeants de ces entreprises hybrides glisseront progressivement vers l’objectif de maximisation du profit, quel que soit la maniטre dont la mission de l’entreprise aura יtי conחue. (...) Sur quelle base sera-t-il jugי : celle de l’argent qu’il fait gagner aux investisseurs ou celle de l’objectif social qu’il remplit ? Pour compliquer les choses, l’environnement actuel des affaires est concentrי sur la maximisation du profit. Toutes les techniques de gestion ont יtי conחues dans cet esprit. (...) Cela signifie que les objectifs sociaux poursuivis par les dirigeants seront mis de cפtי lorsqu’ils entreront en conflit avec l’objectif de maximisation du profit ».
En effet, on ne peut a priori que lui donner raison. Mais, ce constat peut ךtre nuancי, voire contestי א deux niveaux.
D’abord, M. Yunus profite grandement des stratיgies de RSE. Son partenariat avec Danone (et plus rיcemment avec Veolia) s’inscrit bien dans ce cadre. Qui plus est, la multiplication des partenariats avec les multinationales (donc le cadre de leur politique de RSE) est une des voies qu’il prיconise pour dיvelopper les SB. Il propose aussi, concernant la mesure de l’impact social, de s’appuyer sur les travaux issus de la RSE, comme ceux de la GRI (Global Reporting Initiative).
Ainsi, mךme dans un systטme mu uniquement par la logique du profit maximum, la RSE crיי des marges de manœuvre non nיgligeables pour le dיveloppement des SB.
Ensuite, l’idיe que les entreprises « classiques » doivent maximiser leur profit א tout prix est certes une rיalitי trטs actuelle, mais pas une loi immuable, tombיe du ciel ou d’ordre divin. Elle rיsulte de choix politiques nationaux et internationaux, opיrיs de maniטre volontaire, depuis les annיes 70.
Et sur ce point, M. Yunus est ambig� et mךme contradictoire : pendant la majeure partie du livre, il ne trouve rien א redire א ce comportement qu’il voit comme une donnיe exogטne, invariante et incontestable : « Si vous ךtes une entreprise maximisant son profit, votre travail est de gagner de l’argent et nul ne vous reprochera de ne pas vous soucier d’objectifs sociaux. »
Mais vers la fin, son discours change et il dresse un vיritable rיquisitoire contre la maximisation du profit : « Les entreprises des pays dיveloppיs maximisent leurs profits, les ressources sont gaspillיes, l’environnement est pillי et les gיnיrations futures doivent s’attendre א un avenir morose. A mesure que la philosophie capitaliste se rיpand, les nations en dיveloppement connaissent une croissance de leurs propres classes d’hommes d’affaires qui s’emploient א maximiser leurs profits, tout comme le font leurs modטles d’Amיrique du Nord et d’Europe. Il en rיsulte que des centaines de milliers de personnes sont malades et meurent prיmaturיment א cause de la pollution, et que le problטme du changement climatique s’approche rapidement du point de non-retour. (...)
Il n’y a pratiquement jamais de siטge autour de la table pour la population dont la vie dיpend du partage des ressources. Si l’on se fonde sur la logique capitalise, pourquoi tenir compte de ces gens ? En quoi leurs besoins contribuent-ils א la maximisation du profit ? (...) Alors que les ressources non renouvelables continuent de se rיduire - parce que leur exploitation se poursuit - et que les dangers liיs au changement climatique se font de plus en plus prיsents, les plus ardents capitalistes doivent accepter le fait que la seule poursuite du profit n’est plus un principe au nom duquel on peut se passer de politiques environnementales. Comment les milliardaires pourront-ils respirer leur richesse si l’air est trop dangereux א respirer ? »
« (...) Lorsque le profit est la seule prioritי, nous oublions l’environnement, la santי publique et la soutenabilitי de la croissance. Une seule question nous semble lיgitime : comment acheter et vendre plus de biens et comment rיaliser un taux de profit supיrieur א celui de l’annיe derniטre ? Que ces biens soient vraiment nיcessaires et bיnיfiques aux individus est considיrי comme hors de propos. »
Mon sentiment, א la lecture de l’ouvrage, est que M. Yunus parie qu’un dיveloppement significatif des SB va par contagion modifier la vision de l’entreprise « classique » et la dיcentrer d’une vision monodimensionnelle centrיe sur le profit. Le dיveloppement des ES pourrait ainsi amener les entreprises (et le systטme יconomique) א reconsidיrer leur rapport au profit, et א remettre en cause le dogme de la recherche permanente du profit maximum.
La foi en l’Homme
Ce qui est admirable chez Yunus, c’est son inclinaison constante, et mךme son obsession, א toujours chercher א rיvיler et exprimer le meilleur des gens, qu’ils soient pauvres, riches, grandes entreprises, pouvoirs publics, banquiers... et qui plus est, א l’exprimer de maniטre concrטte, dans l’action, dans l’initiative, dans la crיation. M. Yunus croit en l’Homme et le prouve !
« L’un des traits les plus solidement ancrיs chez les ךtres humains consiste א vouloir faire du bien א d’autres gens. C’est un aspect de la nature humaine que le monde des affaires ignore complטtement. Le social-business satisfait cette aspiration : c’est ce que les gens trouvent enthousiasmant ».
Ce regard humaniste est particuliטrement affirmי quand il est portי sur les pauvres : « Je vois les pauvres comme des bonsaןs. Quand on plante les meilleures semences du plus grand des arbres dans un pot de quinze centimטtres de profondeur, on obtient une rיplique parfaite de cet arbre - mais elle n’est haute que de quelques centimטtres. Il n’y a rien de mauvais dans les semences : c’est le sol dans lequel elles ont יtי plantיes qui pose problטme.
Les pauvres sont des hommes-bonsaןs. Rien dans leur origine ne pose problטme. Mais la sociיtי ne leur a jamais donnי ce dont ils avaient besoin pour grandir. Pour sortir de la pauvretי, les pauvres n’ont besoin que d’un environnement favorable. Lorsqu’ils seront autorisיs א libיrer leur יnergie et leur crיativitי, la pauvretי disparaמtra trטs vite. (...)Le micro-crיdit allume le moteur יconomique des individus rejetיs par la sociיtי. »
Changer les reprיsentations
Pour finir, une question en forme de boutade : Yunus est-il de droite ou de gauche ? Cette question n’est jamais abordי dans le livre. On pourrait dire qu’il est de gauche pour la volontי de transformation sociale et la volontי d’impliquer constamment les personnes (dיmocratie participative...). On pourrait aussi dire qu’il est de droite pour son souci de dיvelopper la responsabilitי et l’initiative personnelle ainsi que pour son go�t du marchי et du capitalisme.
Bien יvidemment, il transcende totalement ce clivage... Son action est universelle. Le combat fondamental de Yunus est un combat sur les reprיsentations et les grilles de lecture : « L’esprit humain est le vrai champ de bataille sur lequel nous devrions nous concentrer ».
M. Yunus et ses יquipes transforment la vision sur les pauvres : les pauvres ne sont plus pauvres « parce qu’ils ne savent rien faire » mais parce qu’on ne leur a pas donnי les moyens de libיrer leur potentiel, de rיvיler leur crיativitי.
Ils transforment la vision du crיdit (proposי sans garantie א la GB). Ils transforment la vision de l’aide au dיveloppement.
Ils transforment la vision du marchי et de l’entreprise qui peuvent ךtre des outils puissants et efficaces au service du progrטs humain.
Ils transforment notre vision du Bangladesh. Ils transforment le Bangladesh.
Yunus est א la fois un profond rיformiste et un ardent rיvolutionnaire. Ce qui le rend exceptionnel. Il y a aussi quelque chose de rיconfortant א constater qu’un des mouvements les plus importants de rיgיnיration du capitalisme vient d’un des pays le plus pauvre et le plus en difficultי du monde...