DEPECHE MODE STORY Part 6 : Black
Celebration (1986)
Pour atteindre la maturité, les Depeche Mode ont du s’enfermer quatre longs mois aux studios Hansa de Berlin, pour y enregistrerun cinquième disque, BLACK
CELEBRATION. N’en déplaise à Daniel Miller, grand patron de Mute, c’est désormais Alan Wilder qui imprime sa touche le plus souvent au son des Mode. Et le résultat de ce nouvel effort a
tout de la Messe Noire. Au menu, vous allez déguster de sombres ballades à la tendresse fragile, et des titres chargés d’amertume et d’angoisse
existentielle à en faire une dépression bien profonde. Dès le premier single « Stripped », le rythme se fait martial encore plus qu’industriel, la ville et l’aliénation du quotidien
sont omniprésents, et seul une mise à nu complète permet de sortir –momentanément- de ce carcan castrateur. Dans la vidéo, les quatre larrons défoncent à coup de massues
métalliques les carcasses rutilantes de voitures, dans la nuit. Le sentiment d’urgence, de catastrophe imminente,
domine même sur le titre le plus immédiat, le très techno pop « A question of time », qui permet une heureuse rencontre, avec Anton Corbijn. Le batave prend dès lors en main l’image du
groupe, soigne les photos et tout le visuel, et confère à DM une crédibilité rock qui commence avec de petits perfectos en cuir cintrés. Martin Gore continue de jouer les excentriques blondinets
et donne dans le romantisme plus abouti, cette fois, avec « A question of lust », comptine sentimentale aux basses impressionnantes. On ne rigole décidément pas dans cette album, on
pourrait même y frôler l’aile de la mort, qui semble partout, comme le déclame la très bonne version finale de « Fly on the windscreen », autrefois simple face B du dernier single en
date avant ce nouvel album.
La vie ? Souvent absurde, inutile, rien n’a vraiment
d’importance. C’est ce que dit « It doesn’t matter Two ». Lady Diana ? L’exemple de la vanité d’une caste qui semble trop hautaine pour se soucier de la misère ambiante qui prédomine ( « New Dress », où
le groupe enumère une série de fléaux alors que Lady Di se contente d’essayer de nouvelles robes…) ou encore la puissance évocatrice du noir, du cuir, du sexuellement ambigüe (« Dressed in
black », où l’impuissance de résister ) se taille la part du lion dans ce nouvel album. Noir, résolument noir, martial, sans concession. Technologique, mais aussi organique. Froid, mais d’un
froid qui brûle plus qu’il ne congèle. Concerts bondés et célébrations massives, avec des hymnes et des paroles souvent désabusées. Les contraires se rencontrent et se marient à la perfection. La
voix grave de Dave semble presque artificielle, déshumanisée, et menace autant qu’elle ne chante. La meilleure façon d’entrer de plein pied et d’adorer ce disque, c’est finalement, et fort
logiquement, d’en écouter les premières mesures. Cet opprimant sample distordu, que bien des auditeurs se sont acharnés en vain de déchiffrer, suivi par ce synthé lugubre qui déchire le silence,
et le choc sourd de percussions martiales, juste derrière. Une rupture totale avec l’image insouciante et poppy des débuts, un bond en avant incroyable avec un disque qui reste à ce jour un œuvre
majeure et décisive pour l’histoire de la musique des années 80. Dont on ne se lasse toujours pas. (8/10)