Régulièrement insultée et victime de propos misogynes en commentaires des vidéos la montrant, la secrétaire d’Etat chargée de la Famille, Nadine Morano a porté plainte au mois de février dernier pour faire cesser ces agissements.
En effet, les contenus postés par les internautes sur les plateformes vidéo de l’américain Youtube et du français Dailymotion ne sont pas reluisants.
Le parquet de Paris aurait ouvert une enquête préliminaire dès le mois de février et aurait intimé aux deux plateformes de vidéos de transmettre les adresses IP des internautes ayant injurié la député de Meurthe-et-Moselle.
Deux questions se posent concernant cette affaire.
La première est de savoir si Madame Moreno ou son conseil avaient préalablement notifié à Youtube et Google les propos dont elle était victime Il est de jurisprudence constante, bien que très discutée, que ces plateformes peuvent être considérées comme des hébergeurs au sens de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 (ci-après LCEN). Or, ces hébergeurs ont l’obligation de retirer sans délai tout contenu manifestement illicite qui leur est signalé. La jurisprudence est stricte : la notification doit revêtir les formes et contenir tous les éléments prévus dans la loi.
Bien qu’il n’existe pas de réelle définition légale du caractère manifestement illicite d’un contenu, on peut légitimement penser que des injures publiques revêtissent ce caractère. Il aurait donc été intéressant de savoir si cette notification avait été faite et quelles en avaient été les conséquences. Rappelons que cette procédure est couramment utilisée par les avocats spécialisée et porte très souvent ses fruits dans un délai très rapide.
La seconde interrogation que l’on peut avoir est de savoir quels éléments ont été conservés par les hébergeurs En effet, la LCEN fait obligation aux hébergeurs de conserver les données d’identifications des éditeurs de contenus. Ces données doivent être déterminées dans un décret qui tarde à être publié. En l’absence de ce décret les décisions se suivent et ne se ressemblent pas. Trois vagues de décisions peuvent être distinguées.
- La première vague de décisions qui ne sont pas directement liées à des hébergeurs considèrent que l’adresse IP n’est pas une donnée à caractère personnel pour deux raisons : seuls les fournisseurs d’accès à internet peuvent identifier une machine avec l’IP et l’IP n’identifie qu’un machine et non une personne (CA Paris 27 avril 2007 Anthony G / SCPP ; CA Paris 15 mai 2007 Henri S / SCPP).
Pour mémoire, l’article 2 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée définit la donnée à caractère personnel comme « toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres. »
Donc une donnée à caractère personnel est toute donnée qui permet d’identifier une personne physique. A contrario, la seconde conclusion qui s’impose est qu’une donnée qui n’est pas à caractère personnel n’est pas par essence une donnée qui permet l’identification d’une personne.
- La deuxième vague de décision est revenue sur cette affirmation puisqu’elle décide que l’adresse IP est une donnée personnelle mais qui identifie un ordinateur. Cette jurisprudence condamnait des hébergeurs qui n’avaient conservé comme moyen d’identification des éditeurs que l’adresse IP. Or, selon les juges cette donnée n’est pas suffisante (CA Paris 12 décembre 2007 Google Inc / Benetton, Bencom ; TGI Paris 24 décembre 2007 Techland / France Telecom et autres).
- La dernière mouvance jurisprudentielle tend à considérer que l’adresse IP n’est pas une donnée à caractère personnel mais qu’elle permet l’identification d’un éditeur de contenu… Encore une fois, cherchez l’erreur (Tribunal de grande instance de Paris Ordonnance de référé 05 mars 2009).
Espérons que l’affaire de Madame Nadine MORANO mettra un peu d’ordre dans tous ces éléments qui restent encore flous et mouvants.