Le changement de génération tardait trop. Des jeunes loups ambitieux voulurent prendre la place. Sans succès. C’était il y a vingt ans. Deuxième partie :
decrescendo.
Dans la première partie, j’ai évoqué la splendeur spontanée et rapide des douze rénovateurs. Mais structurellement, le ver de la décadence était déjà dans le fruit.
Les incohérences de la démarche
Très vite, la démarche des rénovateurs prenait l’allure un peu trop politicienne d’un coup de pied dans la fourmilière de la part d’hommes ambitieux
(notons l’absence totale de femmes) mais peu unis dans leurs perspectives de fond, comme justement la construction européenne. Imaginez dans le même bateau européen Séguin, de Villiers, Bayrou,
Barnier et Fillon !
Mais même sur l’organisation de l’opposition existait des désaccords. Un clivage très net au sein des rénovateurs se dessinait entre les partisans de
deux partis alliés, l’un gaulliste et national et l’autre démocrate-chrétien et libéral, et ceux favorables à la fusion complète de l’UDF et du RPR dans un parti unique (préfiguration de l’UMP
d’avril 2002).
Je me souviens entre autres que "les Trois B" se retrouvaient devant les centristes réunis à Narbonne le lendemain de leur début d’aventure, lors de
l’université de printemps du CDS des 7 au 9 avril 1989. Volant la vedette aux dirigeants du CDS, Bernard Bosson et Dominique Baudis étaient par exemple plutôt favorables à la formation d’un parti
unique de l’opposition dans la mesure où plus aucun clivage philosophique n’opposait l’UDF au RPR. François Bayrou était plus réticent à une telle idée, ce qui peut expliquer également le
maintien de l’UDF en 2002 quand l’UMP s’est créée. Michel Noir était lui aussi pour un parti unique de
l’opposition.
Crépuscule
Au fil des semaines et de la mousse médiatique, deux personnalités rénovatrices s’envolaient dans les sondages : Michel Noir et Dominique
Baudis. Beaucoup voulaient donc une liste des rénovateurs dirigée par Michel Noir. Dominique Baudis semblait plus réticent à vouloir prendre le leadership (c’est ce qu’il fera en juin 1994 en
menant une liste d’union).
Pierre Méhaignerie, président du CDS, avait déclaré que le CDS ferait aussi partie de l’aventure. Le CDS avait pourtant choisi Simone Veil comme tête
de liste (les centristes la voulait depuis l’été 1988) mais cette dernière était prête à s’effacer de la première place au profit d’une personnalité plus médiatique.
Cependant, après un mois d’effervescences, l’affaire de la liste des rénovateurs capota. Probablement selon la volonté de Philippe Séguin, lui aussi
tête de liste possible des européennes. Philippe Séguin, à l’ambition présidentielle déjà bien affirmée, ne souhaitait pas renforcer la stature de Michel Noir qui commençait, lui aussi, à se
sentir investi d’une mission nationale. Surtout au sein du RPR déjà divisé entre un pôle européen et libéral (Alain Juppé et Édouard Balladur) et un pôle gaulliste et souverainiste (Charles
Pasqua et Philippe Séguin qui s’allieront lors des prochaines assises du RPR contre Jacques Chirac).
Ce revirement brusque de la part de Philippe Séguin (rappelons que dix ans plus tard, Philippe Séguin, tête de liste aux européennes de 1999, y
renoncera à nouveau, deux mois avant l’échéance par peur de la confrontation avec son ancien compère Charles Pasqua et le faible soutien de Jacques Chirac).
Feu follet
Les rénovateurs se firent donc discrets pendant une campagne européenne assez ubuesque qui voyait s’opposer la liste de Simone Veil, essentiellement
soutenue par les centristes (en numéro deux, un avocat apolitique de 38 ans, un certain… Jean-Louis Borloo qui venait de conquérir Valenciennes), et la liste RPR-PR de Valéry Giscard d’Estaing,
représentante des appareils avec Alain Juppé et François Léotard. Giscard d’Estaing, qui avait pourtant encouragé Simone Veil à s’engager au Parlement européen en 1979, se retrouvait simple
rival. Inutile de dire qu’entre les deux listes, les différences politiques étaient faibles et que tout était question de personnes.
Le 18 juin 1989, Simone Veil ne fit que 8,4% (elle accuse encore son directeur de campagne, François Bayrou, d’avoir fait capoter sa campagne ;
elle avait fait 43,0% en 1984 en menant une liste d’union), Valéry Giscard d’Estaing un score assez peu honorable pour un ancien Président de la République, soit 28,9% alors que la liste
socialiste de Laurent Fabius draina 23,6% des électeurs.
Michel Noir organisa le samedi suivant, le 24 juin 1989, à la halle Tony Garnier dans sa ville de Lyon, un premier grand rassemblement des
rénovateurs. Quelques apparatchiks du RPR et de l’UDF s’étaient même déplacés à tout hasard.
Mais c’était trop tard. L’occasion des européennes n’avait pas été saisie. Les dissensions et les tensions entre les poids lourds politiques comme
Philippe Séguin, François Bayrou et Michel Noir étaient trop fortes.
La dissidence au RPR
Philippe Séguin organisa un courant au sein du RPR avec Charles Pasqua et avait réussi à embarquer François Fillon, Michel Barnier et Étienne Pinte
où ils ne firent que 31% aux assises du Bourget le 11 février 1990 (les accompagnaient également Patrick et Isabelle Balkany, Franck Borotra, Élisabeth Hubert, Xavier Dugoin, Jean de Boishue,
Jean-Paul Bled et Jacques Kosciusko-Morizet). Une initiative qui finit en avril 1991 et dont ne reste aujourd’hui que l’association "Demain la France".
Des rénovateurs devenus apparatchiks
Lors de l’élection de Jean-Claude Gaudin au Sénat, Charles Millon réussit à ravir à François Léotard la présidence du groupe UDF à l’Assemblée
Nationale le 25 septembre 1989. Mais François Léotard avait déjà esquissé un nouveau retournement en faveur des centristes et des rénovateurs qui le conduire à fonder "Force unie".
Le 18 octobre 1989, l’UDF et le RPR lancèrent leurs premiers "états généraux de l’opposition" qui permirent de renforcer leur union sur plusieurs
thèmes mobilisateurs jusqu’au 30 novembre 1991 (une période sans élection). Pour les préparer, travaillèrent souvent ensemble Nicolas Sarkozy, secrétaire général adjoint du RPR, et François
Bayrou, devenu secrétaire général adjoint de l’UDF.
Le 13 octobre 1991, Bernard Bosson s’intégra lui-même au sein d’un appareil partisan en se faisant élire secrétaire général du CDS et devint
l’héritier putatif de Pierre Méhaignerie (il sera cependant battu à la présidence du CDS le 10 décembre 1994 à Vincennes par …François Bayrou soutenu finalement par Pierre Méhaignerie et René
Monory).
Encore des réminiscences sans lendemain
Sous l’impulsion de Michel Noir et de François Léotard, le mouvement a tenté la poursuite de la démarche par la création de
"Force unie" le 5 mars 1990 qui rassembla quelques éléments de l’opposition comme Michèle Barzach
(46 ans), Gérard Longuet (44 ans), Patrick Devedjian (45 ans), Alain Carignon, Jean-Louis Bourlanges (44 ans), Claude Malhuret
(40 ans) et Pierre-André Wiltzer (49 ans). On les a alors appelés les "néo-rénovateurs".
Le 12 décembre 1990, pour redynamiser son action politique enlisée au sein du RPR, Michel Noir, isolé, n’entraîna que deux autres députés dans sa
démission spectaculaire, Jean-Michel Dubernard (49 ans) et de Michèle Barzach, pour provoquer des élections
législatives partielles (les 27 janvier et 3 février 1991).
Alors que les deux premiers ont été réélus à Lyon sans trop de souci, l’ancienne Ministre de la Santé Michèle Barzach s’est fait battre dans le
15e arrondissement de Paris par un candidat chiraquien (ce n’était pas très
malin de sa part de suivre une fronde sur le territoire même du président du RPR, alors qu’elle avait raté le train de la rénovation avant les européennes en étant présente en quatrième position
sur la liste de Valéry Giscard d’Estaing).
Les affaires politico-financières de Michel Noir et d’un autre rénovateur rhônalpin, Alain Carignon, ont mis un point final définitif à cette idée de
rénovation de l’opposition devenue vite très majoritaire en 1993 et occupée par la rivalité entre balladuriens et chiraquiens. Très rapidement, les jeunes rénovateurs évoluèrent en nouveaux
barons.
Dans la troisième partie de l’article, ce que sont devenus les
rénovateurs.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (7 avril 2009)
Pour aller plus loin :
Un rénovateur parmi d’autres.
Un autre rénovateur parmi d’autres.
Les anges déchus de la rénovation.
Michel Noir en 2006 : « nous avions raison dix ans en
avance ».
Histoire de l’UDF (par Laurent de Boissieu).
Michèle Barzach en janvier 1991.
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=54240
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