Durant plus de 5 ans, il y a quelques années, j’ai travaillé dans une entreprise de gestion de mutuelles (je ne citerai pas son nom, elle a de toute façon depuis mis la clé sous la porte). A son « apogée », il y a avait une vingtaine d’employés. Un « chef », un gestionnaire-comptable (moi) et une ribambelle d’opératrices de saisie, payées à coup de lance-pierre. Ce centre de gestion, piloté à distance par une société de gestion informatique, a eu à sa charge plus de 30 000 adhérents.
Tout pour fonctionner, cette petite entreprise était malheureusement gérée « à la petite semaine ». Un noyau de CDD et d’intérimaires était là pour s’occuper du retard de dossiers, savamment entretenue par la direction. Une fois le retard rattrapé, les CDD et intérimaires étaient gentiment renvoyés chez eux. Le temps passait, et le retard de traitement de dossiers revenait. Ce cercle vicieux créait des tensions entre les salariés, de plus importants au fil des années.
Petit plus : une partie des salariés n’étant pas employée par la société directement mais par l’autre entreprise (beaucoup plus grande, elle), les avantages sociaux n’étaient pas les mêmes pour chacun. Et comble du bonheur, le jour ou la loi sur les 35 heures à dû être appliquée, seule la moitié des employés a pu en bénéficier.
Pas de syndicat, pas de représentant du personnel. L’ignorance, la peur du licenciement et la précarité des salariés faisait que chacun restait dans son coin, par crainte que l’on lui « pique » son travail. Mais ce qui devait arriver arriva : les clients sont parties petit à petit, la mauvaise réputation de la société commençant à se faire savoir. Au bout de quelques mois, la majorité des salariés avait fini leur travail à midi par manque de dossiers à traiter. Le « chef » avait plié bagages, restait plus qu’une quinzaine d’employés qui commençait à « s’entretuer ».
Seule solution : la dénonciation à la Direction du Travail. La suite n’a pas été simple. Plan social collectif, le patron essayant de nous mettre dehors sans bénéficier des « avantages » d’un tel plan. A l'époque, une partie des salariés avait envisagé de séquestrer notre employeur. Mais seul 3 ou 4 personnes voulaient suivre réellement le mouvement : cela aurait été trop risqué pour eux. Retour à l’inspection du travail, pour re-dénoncer les méthodes crapuleuses de cette entreprise. Après une élection des délégués du personnel mise en place aux forceps, la DDT a eu la bonne idée que nous demandions à faire partie de la « charrette », vue la tournure que cela prenait. Clap de fin : 13 salariés sur 17 ont été licencié scollectivement.
Donc, quand Grégoire Mallein déclare que le dialogue sociale fonctionne plutôt bien en France, ce n’est sûrement pas la cas partout. Et même (surtout ?) dans les petites entreprises, là où les syndicats sont quasi absents, ça peut être un vrai parcours du combattant quand le patron est un vrai truand.
Alors, quand je vois défiler dans la rue dans des salariés de grosses entreprises privées, je me dit combien d'autres employés de petites structures aimeraient être à leurs côtés mais ne le peuvent pas ??? Le dialogue social a encore des progrès à faire ...