Pyramides (Münster 2)

Publié le 07 septembre 2007 par Marc Lenot

Skulptur Projekte, à Münster jusqu’au 30 Septembre.

On croit d’abord voir un grand carré blanc, éblouissant sous le rare soleil de Münster. On est sur une des pelouses de l’université, devant l’Institut de Physique Nucléaire, et ce grand carré blanc, bordé d’herbes et de pavés, étonne. Les étudiants le contournent. En regardant mieux, on discerne une profondeur, une inflexion. Ce n’est pas un carré plan, mais une pyramide inversée, une dépression, un creux. Les diagonales plus sombres sont en fait des rigoles. Un homme debout au centre, au fond, a la tête au niveau du sol. C’est une sculpture négative, un vide, une absence; il s’agit de montrer ce qui n’est pas visible. Ce même artiste sculptait une chaise en rendant visible l’espace sous la chaise plutôt que la chaise elle-même. La plupart des visiteurs descendent droit au fond, soit par une face, soit par une arête, y restent deux minutes et remontent de la même manière, photos faites. Pour moi, c’est une sculpture à habiter, à vivre, à laquelle il faut affronter son corps, avec laquelle il faut se mesurer. Il faut la parcourir à flanc de coteau, “dahu-like”, il faut descendre lentement en spirale vers le fond, il faut expérimenter les différents niveaux, selon que notre regard émerge au dessus du sol ou non. Peut-être quelqu’un osera-t-il se coucher et se laisser rouler doucement jusqu’au fond, comme dans nos jeux d’enfants. Déambulant ainsi, on remarque que les faces triangulaires sont marquées d’un coffrage irrégulier, des rectangles plus ou moins droits s’y juxtaposent; au sud-est, il y a eu une coulure, un épanchement de béton qui rompt la régularité. L’essentiel est de vivre cette sculpture, de se l’approprier, de devenir acteur de ce théâtre négatif, virtuel. Bruce Nauman avait proposé cette installation, Square Depression, en 1977; refusée alors pour des raisons de sécurité, elle vient enfin d’être réalisée, 30 ans plus tard.

Inaccessible, par contre, est le clocher pyramidal de l’église découverte par Guillaume Bijl lors de “fouilles archéologiques” dans un parc de Münster. Derrière une balustrade, on se penche sur une fosse, d’où émerge le clocher d’une église néo-romane de la fin du XIXème siècle. C’est un absurde trompe-l’oeil dans cette ville pleine d’églises, dont le nom évoque les monastères. Un éclairage improbable, des cordes, des bêches renforcent l’étrangeté de l’installation. Le point de vue est inversé, nous surplombons le clocher, expérience rare (sauf peut-être à Sainte-Mère-Eglise); le coq fier est prisonnier derrière ces grillages. Est-ce à dire que l’église est devenue une antiquité ? ou qu’elle est souterraine ? L’artiste s’échappe par une pirouette humoristique. C’est A Sorry Installation.

Photos 2 et 3, courtoisie Skulptur Projekte, respectivement par Arendt (Nauman) et Roman (Bijl) Mensing. Photos 1 et 4 de l’auteur.