Portrait n°6 : Agneau Pascale et le silence de Cratyle

Publié le 07 avril 2009 par Toreador

Et s’il faut un centième, je serai celui-là !

Mangez des poires !

Mardi, c’est Kiwis, me direz-vous.

Oui mais alors pourquoi écrire un billet sur le portrait du centième du classement Wikio ? Pour une bonne raison : le 100ème de ce mois-ci est un ancien Kiwis, entré dans le réseau* en novembre 2007, et ressorti plusieurs mois plus tard pour convenances personnelles. Je fais donc une pierre, deux coups ce mois-ci.

Après l’Insolent, Dedalus, Rimbus, Martine et Christophe Barbier, j’ai en effet l’honneur de traiter ce mois-ci d’un ex-compagnon de route, Cratyle, le créateur de Pearltrees.

Blogueur-fleuve

Pour ceux qui ne connaissent pas ce blogueur qui a consacré ses nuits a l’étude des nouveaux rapports sociaux nés de l’âge numérique, il faut savoir que longtemps il n’a été qu’un pseudo.

Cratyle était d’ailleurs un surnom bien mal choisi : selon ce penseur grec, on ne peut rien dire de vrai sur ce qui change. Cette théorie était qualifiée de radicale par Aristote, qui indiquait que Cratyle avait reproché à Héraclite d’avoir dit que l’on ne peut entrer deux fois dans le même fleuve, alors qu’il estimait que l’on ne pouvait même pas y entrer une seule fois. Ceci aurait conduit Cratyle à penser qu’il ne fallait plus rien dire, et Aristote rapporte qu’il se contentait de remuer le doigt.

Or, s’il y a bien une chose que Patrice Lamothe (que certains prénomment Pascal, car c’est un agneau, ou parce que des fois j’écris au milieu de la nuit, et je suis fatigué) alias Cratyle fait face au changement, c’est de discourir. D’analyser. De théoriser. Dans la langue de Molière ET de Shaekspeare, mesdames messieurs.

Le Cra-style

Cratyle a un esprit clair et un enthousiasme utopique sur le nouveau monde numérique qui ne peuvent que séduire. Lucide, il avait ainsi anticipé, un an avant tout le monde, le débat sur Hadopi.

Patounet projette sur l’espace numérique des idées que n’aurait pas relié Georges Scelle, et qu’on retrouve sous d’autres formes dans les théories sur l’interdépendance de Nye et Keohane : « Le développement de l’internet social et participatif produit trop de richesses nouvelles et de manière trop décentralisée pour qu’un système de rémunération direct de ces richesses ne se puisse développer, et donc que le modèle actuel d’apparente gratuité y demeure hégémonique. »


Finalement, Cratyle se pose en disciple de Samuelson en posant le principe d’un bien collectif pur nouveau, caractérisé par la non-excluabilité et la non-rivalité.

Son analyse du média internet est limpidement résumée ici. Nous sommes entrés, selon lui, dans le troisième âge, avec l’apparition de « médias pour lesquelles la discussion n’est subordonnée qu’à elle-même, c’est-à-dire aux seules conditions de son existence dans une communauté. Ce sont les médias collaboratifs qui émergent avec internet et avec la deuxième génération du web. » Bref, Patrice, pas triste, théorise twitter.

Pour être franc, depuis peu, il s’est lancé dans un projet qui m’enthousiasme moins. En effet, je regrette que la promotion de Pearltrees soit devenu le quasi unique objet social du blog de Patrice. Je préfère le philosophe à l’entrepreneur. De plus, la démonstration du produit ne m’a guère convaincue de son utilité : Pearltrees permet grosso modo de schématiser un débat en faisant une représentation graphique des renvois de liens. Il faut dire que moi, le twitting et le facebouc, c’était déjà pas trop mon truc.

Que ceci ne m’empêche pas de penser que ce type s’est trouvé un créneau, et qu’on entendra parler de lui. La capacité de penser la blogobulle et l’internet est rare. Patrice est un pionnier qui cherche son Klondike.

Numéro 26

* En ce temps là, Kiwis avait une configuration toute différente. Nous étions 8 ou 9, dont Incandescences et Criticus ! C’était avant l’occident de parcours…
CratyleKiwisMardiMardi-c'est-Kiwis-!

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