De violents incidents sont survenus en marge du sommet de l’Otan à Strasbourg. A l’inverse, le déplacement du président Obama le lendemain à Prague n’a donné lieu à aucun débordement. Si les forces de l’ordre françaises sont vantées pour leur professionnalisme par le gouvernement, les auteurs du dispositif de sécurité sont au coeur d’une polémique, accusés d’avoir volontairement fait monter la pression et de ne pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour empêcher des casseurs de ravager un quartier populaire de la ville. Sans que ne souffle de réel vent insurrectionnel, la Sarkozie donne déjà l’impression d’être en état de siège.
Dés dimanche soir, le maire socialiste de Strasbourg, Roland Ries, a demandé des “éclaircissements” sur la stratégie des forces de l’ordre à la suite des dégâts occasionnés samedi . Celles-ci sont intervenues une heure et demie après le début des incidents. Roland Ries, rejoint dans ses critiques par les habitants du quartier et les organisateurs de la manifestation officielle, a regretté que les habitants du quartier aient été “livrés aux casseurs et non protégés” alors que 9.000 policiers et gendarmes et 1.500 militaires avaient été mobilisés pour le sommet de l’Otan (vidéo 1).
“Politique politicienne” a simplement rétorqué sans plus d’explications la martiale ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie.
Sentant venir la polémique, Nicolas Sarkozy a souligné dans le week-end que les fonctionnaires de police, “courageux et parfaitement organisés”, avaient fait “un travail remarquable”. Le chef de l’Etat a “demandé aux Français de se souvenir de tous les sommets internationaux” au cours desquels il y avait “toujours eu des affrontements très violents” pour conclure, qu’ “en France, ça s’est bien passé”.
En vain. Lundi sur France Info, le secrétaire général de l’Unsa Police a déploré, des “lacunes dans la chaîne de commandement” et réclamé une enquête administrative : “On ne peut pas laisser un quartier sans défense pendant une heure et demie“.
Au même moment sur France Inter, Olivier Besancenot, a accusé les autorités d’avoir “tout fait” pour que la manifestation dégénère en modifiant le tracé initialement prévu et en conduisant les manifestants “dans une vraie souricière“.
“Des milliers de manifestants ont été amenés dans une rue avec les deux issues complètement bloquées, et on s’est fait canarder de gaz lacrymogènes, sans interlocuteur à ce moment-là, avec des tirs tendus, avec des tirs de flashballs. On a frôlé le drame“, a déclaré le porte-parole du Nouveau Parti anticapitaliste.
De Bruxelles, Jean Quatremer estime sur son blog que, “la République tchèque vient, à distance, de donner une bonne leçon de démocratie à la France. Alors que Barack Obama s’est déplacé durant deux jours dans une ville fantôme quadrillée par 10.000 policiers et vidée de ses habitants, il a pu se faire sans problème acclamer par 30.000 personnes à Prague, ce matin (chiffre donné par une dépêche AFP). Les Tchèques ont fait la tranquille démonstration que l’on peut assurer la sécurité d’un président américain sans décréter l’état de siège, comme les autorités françaises l’ont fait à Strasbourg pendant le sommet de l’OTAN.”(vidéo 2).
Le journaliste de Libération va plus loin en évoquant une hystérie sécuritaire française qui contraste avec les autres capitales européennes. “Si Obama n’avait pas demandé à rencontrer des citoyens dans un gymnase de la ville pour répondre à leurs questions (4000 personnes présentes), il n’aurait vu que quelques dizaines de militants UMP soigneusement sélectionnés, vendredi matin.”
A cet égard, force est de constater que malgré ses promesses de début de mandat, Nicolas Sarkozy est victime du “syndrome du fortin”. Un pallier a assurément été franchi lors de son déplacement à Châtellerault le 31 mars (vidéo 3).
Comme à Saint-Quentin quelques jours plus tôt, le déplacement présidentiel s’est fait en présence d’un dispositif policier très conséquent, dans une ville rendue mortes par la constitution de no man’s land afin d’éviter tout contact avec une population présumée hostile. Le Préfet de la Vienne, peu enclin à bénéficier contre son gré d’une mutation express, avait mis les petits plats dans les grands : trois cordons de sécurité, près d’un millier de policiers et gendarmes dont des tireurs d’élite et des membres du Raid.
Manifestants tenus à distance d’un côté et agapes de l’autre. A Châtellerault, le président de la république et ses 1500 invités triés sur le volet, dont de très nombreux militants UMP, n’ont pas été dérangés par le bruit des manifestants. La distance était la bonne. Le reste, comme à Strasbourg était prévisible. L’exaspération et les débordements des “gueux”, réduits à évacuer leur violence sur les forces de l’ordre à défaut de pouvoir crier leur désespoir à la face d’un pouvoir qui a choisi de les ignorer (vidéo 4). A moins de considérer comme Frédéric Lefebvre , porte-parole de l’UMP, que ce sont les dirigeants du PS et du Modem qui incitent “matin, midi et soir” à la violence, à force de courir derrière Besancenot.
Crédit Photo : Thierry Monass