Les reniements de Pierre (4)

Les tableaux synoptiques suivants ont été dressés en respectant tout d’abord le texte, ce qui est normal. Puis les indications de temps qu’il contient ; les indications des personnes mentionnées, et leurs interventions ; leurs questions, ou leurs réflexions; et surtout, les réponses de saint Pierre lui-même. Ces réponses et affirmations indiquent clairement à quelle question ou accusation il entend répondre, et donc à quelle personne il répond. Je me suis efforcé aussi de faire appel au “bon sens”, en partant des indications du texte, et en tâchant de replacer ces différents épisodes dans leur contexte concret, vécu. Car ces récits résumés, simplifiés parfois volontairement par leurs auteurs, ont été vécus concrètement.
Toutefois, pour répondre à l’accusation éventuelle de “forcer” les textes, je dirai que je n’ai pas oublié que, bien souvent, entre un verset et un autre, il peut se passer un certain temps et beaucoup de choses. Luc est un exemple de ces raccourcis surprenants, ce qui n’enlève rien d’ailleurs à l’historicité de ce qu’il rapporte. Encore faut-il s’en rendre compte, s’en souvenir et en tenir compte.
J’ai ainsi mis côte à côte ce qui était rigoureusement identique. Ce qui entraîne un bouleversement total dans la présentation habituelle des Synoptiques. Mais le résultat est intéressant. Le lecteur s’aperçoit immédiatement que, pour un même épisode, chaque évangéliste n’a pas tout raconté, mais n’a retenu que ce qui lui servait dans le but qu’il s’était proposé. L’on aboutit à un ensemble beaucoup plus complet, beaucoup plus vivant, beaucoup plus logique. Les différences, voire les oppositions, ont disparu ; au, contraire, elles apparaissent comme des compléments. On peut à présent suivre le fil des événements, en suivant tout simplement les colonnes qui se complètent l’un l’autre, et qui nous font ainsi passer d’un évangile à l’autre. Cette méthode rigoureuse permet ainsi de retrouver le fil conducteur de cet épisode, dans un écheveau de récits qui resterait embrouillé sans cela.
Cette méthode permet aussi de vérifier ce que nous enseignait “Monsieur Trinquet”, notre professeur d’Ecriture Sainte à Saint-Sulpice : l’existence de la tradition synoptique, qui n’enlève pas la personnalité de chaque évangéliste, ni la source de son récit (Marc, par exemple, “rédacteur” de Pierre, plus précis par exemple sur le nombre de reniements et sur le nombre de chants du coq), mais aussi les liens que l’on peut trouver entre les deux évangiles de saint Luc et de saint Jean, ou plutôt une tradition commune, qui avait saint Jean pour auteur bien sûr. L’exemple qu’aimait à citer “Monsieur Trinquet” est l’épisode de l’arrestation de Jésus, quand Pierre frappe de son épée le serviteur du grand prêtre…