"Il en est qui se cachent pour voler, pour tuer, pour trahir, pour aimer, pour jouir. Moi, j'ai dû me cacher pour écrire. J'avais vingt ans à peine que déjà je tombai sous l'emprise - l'empire - d'un homme à peine plus vieux que moi qui voulait décider de ma vie et s'y prit très mal".
Zelda Sayre Fitzgerald, dans "Alabama Song", de Gilles Leroy.
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Avec "Alabama Song", Gilles Leroy vient peut-être de signer là son plus beau roman. Son roman américain. Un livre qu'il portait en lui depuis de nombreuses années, depuis ce jour où un amant amoureux "qui voulait m'interdire d'écrire" lui avait confié son admiration pour un couple hors norme, les Fitzgerald. Un couple qui participe du mythe des années 20, années folles du jazz et de la prohibition aux Etats-Unis. Gilles Leroy l'écrivain s'est emparé, à la première personne, du personnage de Zelda Sayre, cette Belle du Sud qui dut vivre toute sa vie dans l'ombre de son grand écrivain de mari. Avec brio, il parvient, mieux que ne l'aurait fait sans doute un historien, à sublimer la destinée tragique de la fille de l'Alabama.
Sans doute les amours tumultueux du couple légendaire, qui défrayèrent la chronique des années 20, n'auront jamais été aussi bien rapportés depuis Fitzgerald en personne, dans son chef-d'oeuvre "Tendre est la nuit", où l'écrivain américain s'était abondamment appuyé sur les journaux intimes de son épouse (qui était elle-même écrivaine, peintre et danseuse dans l'âme !) pour brosser le portrait de l'héroïne Nicole Diver. Vous avez dit pillage ? Réponse de Zelda dans Alabama Song : "J'en veux à Scott parce qu'il s'est servi de moi pour toutes ses héroïnes, qu'il m'a pris pour matériau et m'a volé ma vie. (...) La vérité est qu'il s'est servi de mes propres mots, qu'il a pillé mon journal et mes lettres, qu'il a signé de son nom les articles et les nouvelles que seule j'écrivais".
Une descente aux enfers
De sa rencontre avec Scott, alors jeune soldat, en 1918, jusqu'à sa mort tragique, en 1948, dans l'incendie de l'hôpital psychiatrique où elle était internée, la descente aux enfers semble inéxorable. D'emblée, une certaine excentricité (un brin de folie) semble habiter cette héroïne mi-ange mi-démon issue d'un milieu austère dominé par son avocat de père. Après son mariage avec l'écrivain, en 1920, s'ensuit une période de fastes à la Gatsby le Magnifique, liée aux premiers succès littéraires de Scott. Mais très vite, tout se délite et d'importantes rivalités éclatent au sein du couple qui brûle la chandelle par les deux boûts.
Muse forever
Pour nous raconter cette histoire avec autant de passion, le romancier n'a pas hésité à traverser l'Atlantique. Il est allé marcher dans les pas de Zelda, à Montgomery, dans l'Alabama. Il s'est imprégné de ces lieux encore hantés par son héroïne. Zelda la muse n'a décidément pas dit son dernier mot !
Café littéraire avec Gilles Leroy, vendredi 14 septembre, à 18 h, à la librairie Dialogues, rue de Siam, Brest.