Prenons par exemple le rock progressif, son ambition n'était pas moindre. Il s'agissait de briser toutes les fondations du rock, de lui insuffler une liberté infinie. Il s'agissait aussi d'y importer une dimension plus technique et élitiste, d'autoriser en un mot la virtuosité. Le programme, justement, était alléchant. Et 40 ans après nous en sommes au même point. Ou même pire, nous sommes allés dans l'autre sens : vers un rock toujours plus maigre et allergique à la complexité.
Je pourrais parler aussi un peu de l'autre grande constellation progressive, celle de la House et des différents dérivés technoïdes. Ici, le progressif est un fiasco complet, ses développements mélodiques en font mourir de rire plus d'un – et moi le premier.
En fait il n'est pas très compliqué de voir où se situe le problème : en imaginant la musique du futur, le progressif en a oublié le présent. Et coupé d'une telle actualité, cette image de l'avenir vaut à peu près la même chose que celle d'un enfant – celui qui s'imagine qu'en 2020, on aura tous une télécommande pour se téléporter à loisir dans les quatre coins du monde.
Le progressif a donc tout faux pour ce qui est de profiler l'avenir musical. Et ce qu'on peut en retenir est paradoxalement sa naïveté extrême, pour le coup clairement gamine. La non prise en compte du présent n'a eu comme résultat qu'une image idéalisée, grotesque et pompeuse des décennies prochaines. Et cela peut attendrir. Je rapproche cela directement à ce qu'il en a été du surréalisme en littérature, un projet d'une ambition folle, clairement à côté de la plaque, qui aujourd'hui doit mon affection à son caractère excessif et absolutiste – bébé a eu son cadeau de Noël, l'inconscient. C'est pourquoi dans la musique progressive ce qu'il me plaît est son romantisme excessif – du côté de l'amour fou, cette envie d'écraser le reste de la musique par une telle débauche de développements harmoniques. Je donne deux exemples à ça, l'un de l'électro progressive, l'autre du folk-rock progressif.
Leftfield : A Final Hit
On trouve A Final Hit en particulier dans la BO de Trainspotting. C'est vraiment typiquement les années 90. On s'imagine bien, écoutant cela, se ballader de nuit dans sa voiture volante.
Harmonium : Depuis l'automne (1975)
Tiré de l'album Si on avait besoin d'une cinquième saison, ce morceau est un bon exemple de ce prog à fleur de peau que j'aime tant : 10 minutes de claviers et de petits soli dans une ambiance champêtre et un peu Flower Power. On doit ce titre à Harmonium, un groupe québéquois et francophone que j'ai découvert un peu par hasard et qui m'impressione vraiment par la qualité de son chanteur et des différents arrangements qui l'accompagne.