Y'a pas que les jeux Nintendo dans la Wii ?

Publié le 06 avril 2009 par Eric Viennot

Alors que les grands médias saluent tous, ici ou , l’extraordinaire réussite de Nintendo, au moment où la Wii vient de dépasser officiellement les 50 millions d’exemplaires vendus, le moins que l’on puisse dire, c’est que cette console laisse la plupart des développeurs indépendants dubitatifs. Sur le papier, elle avait tout, pourtant, pour les séduire : coûts de production plus abordables, incitation à la créativité grâce à son interface révolutionnaire, remise en question des règles établies et donc de la domination des gros studios. En octobre 2006, quelques mois avant son lancement j’écrivais ainsi sur ce site :  «  En quoi cette évolution peut-elle être porteuse d’espoir pour les développeurs français ? Tout simplement parce qu’en replaçant l’innovation au centre du processus créatif elle devrait permettre d’ouvrir des brèches pour les studios indépendants. »
Force est de constater que deux ans et demi plus tard, (en gros, la moitié d’un cycle dans notre industrie) les français, comme les autres, ont toutes les raisons d’être déçus.

Pourquoi ce désenchantement ? Tout simplement, parce que le fameux phénomène de concentration du marché, habituel dans notre industrie, s'est accentué sur cette console. Moins de 10% des titres génèrent plus de 90% des ventes et, quand, en plus, sur les 10 meilleures ventes, 9 sont éditées par Nintendo vous avez vite compris le problème. Le phénomène s'explique assez facilement : par définition, les joueurs occasionnels, visés par la Wii, achètent peu de jeux et les rares jeux qu'ils achètent sont ceux qui bénéficient d'énormes campagnes publicitaires, indispensables pour toucher ce public volatile, moins informé des dernières nouveautés. Les budgets publicitaires nécessaires sont hors de portée des petits éditeurs indépendants.
Budgets marketing colossaux investis dans quelques titres phares, conçus sur mesure pour la console (Wii sports, Wii fit,...), fonctionnalités réservées à quelques exclusivités (l’intégration des Mii ingame par exemple), informations techniques distillées au compte-gouttes auprès des développeurs et éditeurs (nous avons dû ainsi intégrer l’utilisation de la Wii Balance au beau milieu d’une production) : Nintendo a construit un moule pour vendre en priorité ses gâteaux maisons ! Chapeau l’artiste ! 


Conséquence : hormis quelques exceptions (les Lapins Crétins d’Ubisoft par exemple), peu d’éditeurs tiers ont réussi à tirer leur épingle du jeu. On a assisté plutôt à un phénomène de déflation : les ventes moyennes ou quasi inexistantes des premiers titres indépendants lancés sur la Wii ont donné le ton. Quand les développeurs sont arrivés ensuite avec des projets originaux, les éditeurs leur ont proposé des minimums garantis qui ne leur permettaient pas de tirer leur épingle du jeu face aux titres Nintendo, bénéficiant, eux, de plusieurs années de développement et de budgets colossaux. Faute de budgets réalistes, Lexis a dû renoncer ainsi à produire pour la Wii deux concepts originaux. Côté on-line, le tableau n’est guère plus reluisant : alors que le Wiiware peine à décoller, les indépendants se sont réfugiés majoritairement sur PSN et XBLA. 


Y-a-t-il une chance de voir cette tendance s’inverser pendant cette seconde partie de cycle qui s’ouvre ? Quelques signes peuvent heureusement laisser un peu d’espoir.
D’abord, le parc installé, immense, qui permet d’envisager de plus en plus de ventes pour les jeux de niche. Ensuite quelques exemples récents de lancements réussis pourraient encourager les éditeurs à soutenir davantage de titres originaux sur cette console. Le tableau ci-dessous* présente ainsi les ventes comparées de trois jeux lancés successivement fin 2006, fin 2007 et fin 2008 : Eledees, (édité par Konami), Zack & Wiki (édité par  Capcom), de Blob (édité par THQ). Même s’ils ne sont pas tout à fait comparables, tous les trois m’ont semblé représentatifs d’un type de jeu présentant une alternative de qualité aux productions Nintendo. Si les deux premiers lancés au début du cycle Wii ont peiné pour trouver leur public, (350.000 ventes quand même pour Zack et Wiki) on s’aperçoit que le dernier en date a réussi, en quelques mois, à atteindre le double des ventes réalisées par les autres. Madworld, (édité par Sega et sorti récemment) semble suivre la même courbe de vente. Est-ce enfin un signe de maturité ? L’illustration que le public peut apprécier sur cette console autre chose que les incontournables fun-party games ? Espérons que le phénomène De Blob ne restera pas un cas isolé, et qu’il donnera suffisamment envie aux éditeurs de prouver qu’il y a une alternative aux jeux Nintendo sur la Wii.

* source VG Chartz

Illustration : publicité Madworld, Sega.