L’industrie des transports aériens est installée dans la crise, les pieds dans le ciment. Pour qui pourrait encore douter de la gravité de la situation, il suffit d’étudier les statistiques de trafic de février, les plus récentes.
Au niveau mondial, ŕ 12 mois d’intervalle, le recul du trafic passagers atteint 10,1% et le coefficient moyen des sičges, en forte érosion malgré la diminution de la capacité offerte, est tombé ŕ 69,9%, un niveau trčs médiocre qui ne laisse aucun espoir de rentabilité sur la plupart des lignes.
C’est la quadrature du cercle dans la mesure oů toute tentative de relever les tarifs risquerait d’avoir des effets pervers, une partie de la clientčle risquant alors de renoncer ŕ se déplacer. Seule indication positive relevée par l’IATA, un calme relatif prévaut sur le front pétrolier (encore que les prix soient ŕ la hausse). Le kérosčne représente actuellement 23% des coűts directs des compagnies internationales, ŕ comparer ŕ une moyenne de 32% en 2008.
Au niveau européen, l’évolution notée depuis le début de l’année n’est pas meilleure. Les calculs établis par l’AEA, Association of European Airlines, font apparaître pour février un recul de 8,8% du trafic passagers, plus que double de celui de janvier qui avait été de 3,9%. Il est vrai qu’il convient d’y apporter une correction pour tenir compte d’un mois de 28 jours seulement, ce qui ramčne le recul réel ŕ 5,5%.
En janvier et février, les membres de l’AEA ont transporté 41,6 millions de passagers, 9,8% de moins que pendant la męme période de 2008. Le coefficient moyen d’occupation des sičges est descendu ŕ 71,1%, prčs de 5 points de moins, ce qui s’explique par une contraction insuffisante de l’offre, diminuée de 4,8% seulement. Mais comment faire mieux ? Sauf ŕ clouer au sol une part plus importante des flottes, seule variable d’ajustement en elle-męme trčs risquée : un avion qui ne vole pas coűte cher.
Les statistiques confirment aussi que toutes les compagnies ne sont pas égales devant la crise. Ainsi, au cours des deux premiers mois de 2009, les ténors européens, Air France-KLM, British Airways et Lufthansa, ont tous trois subi un recul de trafic de moins de 5%. En revanche, d’autres ont plongé, les résultats étant tout particuličrement mauvais chez Austrian, BMI, CSA, Icelandair, Iberia et LOT. D’autres s’arrogent de tristes records de descente aux enfers, notamment Brussels Airlines et SAS.
Du côté des low-cost, l’analyse est plus difficile. Ryanair continue d’enregistrer une progression de plus de 10% mais reconnaît avoir enregistré des pertes au cours du troisičme trimestre de son exercice fiscal 2008/2009. Chez EasyJet, le trafic est en recul de 6,8%, ce qui s’explique par un infléchissement de stratégie. Elle a choisi de privilégier la rentabilité, quitte ŕ suspendre provisoirement sa croissance et, ce faisant, fonctionne ŕ contre-courant. Ainsi, en février, le coefficient moyen d’occupation de ses avions a remonté de 2,4 points pour s’établir ŕ 87%, un trčs beau résultat. Air Berlin s’inspire visiblement d’EasyJet et prévoit un léger recul du nombre de ses passagers pour l’ensemble de l’année 2009.
Les dirigeants de compagnies affichent un dénominateur commun, une légitime inquiétude. Dans le męme temps, ils s’avouent incapables d’annoncer une date, un moment, une période pour la stabilisation puis le retour de la croissance. Ici et lŕ, on entend dire que le pire est en cours, que 2010 sera franchement meilleure, un point de vue optimiste que tente d’accréditer l’OACI, Organisation de l’aviation civile internationale.
Contrairement ŕ l’IATA et ŕ l’AEA qui sont des associations professionnelles et, ŕ ce titre, des groupes de pression, l’OACI bénéficie de la crédibilité que lui confčre sa parfaite neutralité. D’oů l’espoir, bien sűr, que ses prévisions se révčlent exactes. Entre-temps, il y aura encore du sang et des larmes.
Pierre Sparaco - AeroMorning