Avec :
Patrick Dewaere, Etienne Chicot, Josiane Balasko, Sabine Haudepin, François Perrot, Frédérique Ruchaud, Jean-Louis Vitrac, Dominique Lavanant
Scénario : André Téchiné, Gilles Taurand
Photo : Bruno Nuytten
Musique : Philippe Sarde
À Biarritz Hélène, une anesthésiste, renverse un soir avec sa voiture Gilles et s'assure qu'il n'est pas gravement blessé. Elle tente d'en faire son nouvel amant jusqu'à ce qu'elle soit lassée par son manque de volonté.
LES MOTS D'ANDRE TECHINE
Le première image de Catherine, ce sont les films de Demy ou Buñuel. Je rêvais d'avoir un jour CATHERINE DENEUVE devant ma caméra. La rencontre s'est faite par l'intermédiaire de Gérard Lebovici, qui était mon agent à l'époque. Et le sien. Il y avait un désir commun de tenter cette expérience. On ne se connaissait pas, et puis, bien vite... la complicité, la confiance... Le miracle de notre rencontre, c'est quelque chose qui n'arrive pas tous les jours, dans une vie de cinéaste. Catherine est devenue comme une sœur.
Studio Magazine 1996
J'ai rencontré Deneuve dans la vie avec "Hôtel des Amériques". C'est peut-être un des films où elle est la plus belle parce que c'est une beauté qui n'appartient pas à un âge précis de la vie. Pendant le tournage, il y a eu un moment où elle m'a sidéré. C'était une scène de nuit à Biarritz où Patrick Dewaere faisait une tentative de suicide dans l'océan. Il faisait un froid de canard. Patrick avait pu se mettre une combinaison de caoutchouc, mais, elle, on voyait ses jambes, c'était absolument terrible. On avait tous très peur qu'elle ait très froid, qu'elle soit malade. Elle a fait ça très courageusement et puis elle a disparu. Je suis rentré à l'hôtel en me sentant un peu coupable d'être allé trop loin. A ma grande surprise, je l'ai découverte dans sa chambre. Elle buvait un whisky écoutait de la musique, heureuse, folle de joie, parce qu'elle sentait que la scène avait marché, qu'elle s'était jetée à corps perdu là-dedans, qu'elle avait été au charbon et avait dépassé ses propres limites.
C'est, de toute évidence, une actrice instinctive. Elle ne travaille pas vraiment. Dans "Hôtel des Amériques", le contraste était total entre Patrick Dewaere, qui avait besoin de bosser ses répliques, de préparer minutieusement les scènes, et Catherine, qui, j'en suis sûr, apprenait son texte dans sa loge, au moment du maquillage. Lui était parfait dans son ardeur, elle, dans la fraîcheur.
Télérama 1997
Comme je l'ai dit, Catherine arrive à m'étonner en allumant une cigarette ou en ouvrant une porte. Mais il y a deux moments où elle m'a stupéfié : dans "Hôtel des Amériques" quand elle entre dans le casino pour demander secours à un vieil ami. Cette fièvre, ce regard somnambulique, sa démarche souple et rapide : là, j'ai été sidéré.
Télérama 1997
Là, soudain, j'avais des acteurs dont j'avais envie de me rapprocher au plus près. Avec Catherine Deneuve et Patrick Dewaere, aucun désir de prendre du recul. Mais de coller au mystère de l'une, à la sensibilité écorchée de l'autre.
Télérama 2003
LES MOTS DE CATHERINE DENEUVE
C'est une histoire proche de ce qu'on appelle aujourd'hui la difficulté de vivre. Je n'ai pas connu personnellement ce genre de situation, mais des amis autour de moi, si. Entrer par amour dans un univers qui vous est opposé ne peut se faire que par la souffrance. C'est si difficile d'ajuster ses sentiments ! Isolé de tout contexte social, un tel amour peut marcher. Sinon on ressent comme une douleur l'hostilité de la société. Moi, non. Je me protège tout le temps, sans cesse, avec mes enfants et aussi avec un petit groupe d'amis sûrs qui me renvoient l'image de moi-même qui m'est familière... Cinq semaines de tournage en province (le tournage s'est déroulé à Biarritz), c'était très bien. Une bonne rupture... Ces vieilles stations balnéaires ont toujours pour moi ce côté décadent et décalé. On y côtoie des gens qui voudraient bouger, qui se disent : "Ma vie n'est pas arrêtée, tout est encore possible", et en fait, ils restent rivés à leur univers. André Téchiné a parfaitement rendu cette nostalgie au quotidien d'une certaine province. A Paris, nous n'avons pas le temps d'avoir cette nostalgie-là.. Enfin rarement...
citée dans le livre de Philippe Barbier et Jacques Moreau 1984
Je me suis foncé les cheveux. Pour le film uniquement ; je suis une jeune femme qui s'installe en province. Elle ne s'y installe pas vraiment, elle y travaille. Alors, ma couleur blonde habituelle m'a semblée trop claquante pour ce rôle. J'ai recherché un ton plus discret, plus doux.
Elle 1981
On a tourné "Hôtel des Amériques", à Biarritz, hors saison, en mai. Dans un hôtel spécialement ouvert pour l'équipe. Les tournages hors de Paris rendent plus disponible : on dîne, le soir, après les prises ; on se voit le dimanche... S'ils doivent se créer, les liens se créent plus vite. Mais, vous savez, je crois que tout se joue en quelques minutes. Certains vous donnent envie d'entreprendre à leurs côtés de longs voyages, tandis qu'avec d'autres vous ne songeriez même pas à traverser la place de l'Etoile ! Je fais des erreurs, dans la vie, comme tout le monde, je suis même si critique que je peux apparaître dure à certains. Mais question amitié, confiance, je ne me trompe pas souvent. Avec André, ce fut immédiat.
Télérama 1997
Les films avec André représentent des moments particuliers. Je suis toujours sortie de ses tournages assez bouleversée. Bouleversée que ça s'arrête. Je suis, de nature, plutôt stoïque et réaliste. Mais je me souviens qu'à la fin du tournage d' "Hôtel des Amériques", pour la première fois, j'avais éprouvé une sorte de mélancolie...
Télérama 1996
J'étais à la fois très triste mais pas trop étonnée de l'échec de "Hôtel des Amériques". Le film était très beau mais si pessimiste, si dérangeant, que j'ai pu comprendre le rejet du public.
Télé 7 jours 1986
[à propos de Patrick Dewaere]
Je souffrais de le voir ainsi. Je sentais bien à quel point il était fragile. C'était un homme qui se lançait comme ça... Il avait des élans. Il s'emballait et, après, il donnait l'impression d'être déçu, triste. Il avait donc besoin de trouver des palliatifs à sa tristesse. Souvent, d'ailleurs, dans ses films, il a cet air à la fois triste et étonné, comme si quelqu'un lui avait fait une mauvaise surprise. C'était un acteur absolument formidable, mais il était trop près de ses personnages. Il était trop lui-même. Il allait presque trop loin dans l'émotion. Certains acteurs ont un formidable instinct de conservation et d'autres ne l'ont pas. Patrick ne l'avait pas.
Studio Magazine 1998
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