Katyn raconte comment, pendant la deuxième guerre mondiale, les troupes staliniennes massacrèrent un grand nombre d'officiers polonais en tentant de faire passer cela pour une énième exaction nazie. À 83 ans, Andrzej Wajda a visiblement voulu faire ce film à destination de ses jeunes compatriotes, dans un fort louable devoir de mémoire. Ce sont d'ailleurs ces envies de transmission qui affaiblissent le film, celui-ci étant bien trop académique pour ne pas ressembler à une dissertation appliquée mais un peu lisse. Très vite, le réalisateur s'enferme dans une symbolique sursignifiante qu'il aurait sans doute exploitée de façon plus fine il y a vingt ans : la scène d'ouverture (montrant des civils polonais coincés sur un pont car pressés d'un côté par les allemands, de l'autre par les russes) en est un exemple criant, tout comme la séquence où les soldats déchirent le drapeau polonais pour en séparer les deux couleurs.
Mais Wajda a du souffle, et sa reconstitution a tout de même de la gueule, même si elle peine à se débarrasser de son aspect manuel d'histoire. Le point de vue adopté est assez intéressant, même si son utilisation est inaboutie : une grande partie des évènements sont en effet vus à travers le regard de l'épouse d'un officier polonais, accompagnée de sa fille, et qui tente de le retrouver. Cela change de la plupart des films sur la guerre, qui proposent des univers uniquement masculins, où la femme n'est présente qu'en photo, pour alimenter les espoirs et les fantasmes du soldat.
Ce spectacle informatif et pas déplaisant dure une centaine de minutes, avant que les grand Wajda des années 80 ne fasse son entrée. Celle-ci est évidemment tardive, mais en partie salutaire pour le film, laissant une dernière impression teintée de frustration mais aussi d'admiration. Ayant traité l'avant et l'après, il finit par s'attaquer frontalement au sujet majeur du film, traité jusque là par des évocations et des témoignages. La fin de Katyn est extrêmement édifiante, mais débarrassée de toute lourdeur, comme si Wajda y avait mis toute son énergie intellectuelle (quitte à négliger un peu tout ce qui précède). Le massacre, les charniers, la douleur : l'octogénaire parvient à nous clouer au fauteuil et à nous faire rêver de ce qu'aurait pu être le film si le traitement avait été semblable depuis le début.
5/10
(autre critique sur Le blog de Dasola)