Testament, interview vérité avec Chuck Billy

Publié le 02 avril 2009 par Laurent Gilot @metalincmag

Le 23 mars dernier, la tournée « Priest Fest 2009″ posait une dernière fois ses valises à Amsterdam en Hollande. Deux jours plus tôt, au Zénith de Paris, nous avons rencontré Chuck Billy, le chanteur imposant de Testament, pour dresser un bilan de son parcours et de celui de son groupe culte de thrash metal. Entretien exclusif en vidéo, plus bas, pour les anglophones, et ci-dessous, pour les francophones.
Où as-tu grandi ?

Chuck Billy : J’ai grandi pas loin de Berkeley, à El Cerrito (Californie), la ville juste après. J’y ai vécu pendant 5 ans. Puis, j’ai déménagé vers la banlieue, dans une ville du nom de Dublin qui se situe à une heure de San Francisco. C’était une banlieue où il n’y avait pas de musique ou de groupes en activité, pas de concert. Si l’on voulait écouter de la musique, il fallait aller à Berkeley ou San Francisco pour voir des groupes jouer. J’ai donc grandi dans cette petite ville où tout tournait autour du sport.

Pourquoi as-tu choisi de devenir un chanteur ?
J’ai grandi en apprenant à jouer de la guitare. Je voulais devenir un guitariste, je voulais être Michael Schenker. Au lycée, mon frère avait un groupe et j’allais le voir répéter… On se marrait bien avec Eddie. Puis, un jour, il m’a dit : « Tiens, aujourd’hui, c’est toi qui chante les paroles. » Il m’a alors confirmé que, maintenant, c’était moi le chanteur du groupe. J’ai dit OK. Mais, comme je voulais être guitariste, je ne savais pas ce qu’il fallait faire pour devenir un vrai chanteur. Au collège, j’ai pris des leçons de guitare et de chant. Une fois par semaine, je suivais également des leçons privées en dehors de San Francisco. J’ai donc essayé de devenir un vrai chanteur. C’était aux débuts des années 80 et la scène thrash n’existait pas vraiment dans la Bay Area. Je n’avais pas encore découvert le genre. Puis, j’étais plutôt fan de groupe comme Dokken et Ratt…

Comment as-tu contacté les membres de Testament/Legacy ?
Mon frère avait un ami du nom de Steve Souza qui était dans le groupe (ndlr : du nom de Legacy avant d’adopter celui de Testament). On allait les regarder jouer et on les trouvait vraiment bons. A cette époque, ils avaient un contrat avec une maison de disques. Mais, Steve a décidé de quitter le groupe pour rejoindre Exodus. Ce dernier est alors venu à la maison pour m’annoncer la nouvelle et il m’a demandé pourquoi je n’appellerai pas Alex Skolnick (guitare) pour passer une audition. J’ai alors écouté la démo du groupe et j’ai vraiment aimé leur style de musique. J’ai décidé d’appeler Alex et de passer cette audition. J’étais plus âgé que les quatre autres membres du groupe. Nous avons alors répéter dans une toute petite pièce. Je me rappelle que je devais chanter en dehors du local et que l’on m’entendait sur la sono qui se trouvait à l’intérieur. A la fin de l’audition, ils m’ont dit que c’était bon. Nous avons alors enregistré et renvoyé une démo à la maison de disques qui a confirmé le deal.

Comment as-tu adapté ton chant à ce nouveau style de musique ?
A cette époque, pour moi, c’était un genre complètement nouveau. Avec le thrash, ta voix doit coller au tempo et il n’est pas question d’essayer de chanter d’une façon mélodique. Je suis arrivé dans le groupe avec la volonté de chanter de cette façon et les gars m’ont dit que ce n’était pas possible. Il fallait que je  chante d’une manière rapide en m’adaptant aux rythmes des guitares et de la batterie. J’ai alors pas mal bossé avec Eric (guitare) pour adapter ma voix à la musique du groupe.

A l’époque, quels étaient vos modèles dans la Bay Area ?
Ce qu’il y avait de génial dans la Bay Area à cette époque, c’est que nous avions nos héros : Metallica. Ils avaient une super attitude car ils se foutaient de tourner des vidéos, de passer à la radio. Ils étaient concentrés sur leur musique et le fait de jouer en live, de botter le cul de tout le monde. Tous les groupes étaient sur la même longueur d’ondes et voulaient faire pareil qu’eux. J’étais également dans ce créneau-là mais, la chose la plus importante, c’est que personne ne cherchait à copier exactement ce que faisait Metallica. Chaque groupe avait sa propre identité, que ce soit Testament, Death Angel, Exodus, Forbidden ou Vio-Lence. Même si tous oeuvraient dans le domaine du thrash, chacun avait un son à lui. C’était une des particularités de la Bay Area et il était important que tous les groupes ne soient pas une simple copie de Metallica.

Comment vois-tu la nouvelle génération du thrash metal ?
Il y a plein de groupe qui ont grandi en écoutant ce style de musique et qui s’en sont inspiré pour composer leur propre musique. J’adore ça. J’écoute ces nouveaux groupes et j’aime ce qu’ils proposent et cela m’inspire en retour. Il y a donc comme une boucle pleine qui se forme entre notre génération et la nouvelle. Quand on me demande ce que je pense de la scène thrash d’aujourd’hui, je trouve ça sain et génial !

De quelle façon analyses-tu l’évolution musicale de Testament depuis le premier album jusqu’au tout dernier, « The Formation Of Damnation » ?
Eric est le principal compositeur et il est très influencé par le black metal, par tous ces groupes suédois qui ont du maquillage, qui utilisent des keyboards, qui ont des têtes de vampire et qui jouent une musique très rapide, notamment au niveau du rythmique.  Comme Eric est le principal compositeur dans Testament, il a amené avec lui toutes ces textures sonores au cours des dernières années. En particulier sur un album comme « The Gathering » qui contient beaucoup d’éléments de ce type. C’était un son différent pour Testament mais cela reste proche de ce que l’on a l’habitude de faire. Eric a toujours attaché une importance particulière au fait d’apporter de nouvelles idées dans le groupe tout en faisant en sorte que cela sonne comme du Testament.

Est-ce que c’était difficile de revenir sur le devant de la scène ?
C’était dur parce que nous n’avons pas sorti de disque pendant 9 ans. Nous n’avions rien à proposer pour pourvoir partir en tournée. Nous avons donné des concerts à droite, à gauche mais rien de significatif. Aujourd’hui, nous nous éclatons à nouveau entre nous, nous avons sortie un album et nous projetons d’en enregistrer un nouveau en septembre, tout cela contribue à entretenir la flamme.

Comment a été reçu « The Formation Of Damnation » en 2008 ?
Il a été élu « Album metal de l’année », « meilleur disque de thrash de l’année 2008″… C’est super d’avoir eu tous ces prix. C’est ce que l’on espérait car nous étions très fiers de l’album au moment de sa réalisation. Pour « Formation Of Damnation », nous avons été très attentifs à la façon dont celui-ci devait s’articuler. Nous avons beaucoup discuté de ce que nous voulions faire pour que le résultat final soit le meilleur possible. En définitive, nous sommes très fiers du fait que les gens aient apprécié ce disque. C’est tout ce dont nous rêvions.

Qu’est-ce que ça signifie pour toi d’être à nouveau sur la route avec Judas Priest et Megadeth ?
En 1991, nous avons participé à la tournée « Painkiller » et le fait d’être à nouveau sur la route, 18 ans plus tard, est quelque chose d’incroyable. Nous sommes comme de vieux potes et chacun continue à faire de la bonne musique. C’est génial. Je vois ça comme un privilège, une bénédiction car Judas Priest est vraiment l’un de mes groupes préférés et il m’a beaucoup influencé. Pouvoir tourner avec ce groupe une deuxième fois dans sa vie est comme une grande consécration pour moi, surtout depuis que nous sommes à nouveau réunit au sein de Testament, que nous avons réalisé un très bon album… C’est incroyable, je n’ai pas à me plaindre.

Peux-tu nous en dire plus sur la sortie de l’album « Live Eindhoven ’87″ ?
Atlantic Records avait enregistré ce concert en entier mais la maison de disques n’a commercialisé que quatre morceaux à l’époque. Nous avons décidé de sortir le show en entier sur disque car, en 1987, c’était un moment particulier pour nous. C’était la première fois que l’on jouait en Europe. Comme j’étais déjà majeur, j’étais le seul, dans le groupe, a pouvoir consommer de l’alcool aux Etats-Unis. Quand les autres membres ont mis les pieds en Europe, ils pouvaient boire, fumer, c’était le paradis pour eux. Nous voulions donc graver ce concert mémorable avec tous les interludes, les imperfections.

Qu’espères-tu pour l’avenir ?
J’espère que nous allons pouvoir écrire un bon album pour succéder à celui de l’année dernière. Je pense que nous pouvons y arriver car nous avons travaillé très dur sur « Formation Of Damnation » et nous avons beaucoup tournée entre 2008 et 2009. Tout le monde a encore en lui cette énergie que nous avons entretenue et je pense qu’il y a encore de bonnes chansons à écrire. Mais, nous prenons les propositions les unes après les autres… Il n’y a pas de plan de carrière précis… Nous verrons ce qui va arriver.

Propos recueillis par Laurent Gilot
Photo : LG

Testament, « Live Eindhoven ’87″ (Prosthetic Records)
Testament, « The Formation Of Damnation » (Nuclear Blast/Pias)

www.testamentlegions.com
www.myspace.com/testamentlegions

Testament, interview with Chuck Billy (Part 1)

Testament, interview with Chuck Billy (Part 2)