Cependant, ce n’est pas une louange que j’adresse à ces artistes qui illuminent certes la nuit congolaise pour mieux obscurcir le quotidien des congolais. Si les mélodies de ces auteurs portent la poésie congolaise au firmament, célèbrent l’amour, elles sont parasitées par les dédicaces habilement glissées à l’endroit des politiciens véreux des deux rives du fleuve Congo. Le phénomène n’est pas nouveau. Ko buaka libanga (*) est un concept installé depuis deux décennies par lequel les artistes congolais touchant difficilement leur droit d’auteur renflouent leurs tiroirs-caisses en monnayant la proclamation du nom d’un producteur, d’un compatriote à l’étranger ou ces dernières années d’hommes politiques. Les longues rumbas congolaises se transformant en une réclame continue. La démarche est habile et s’est tellement insidieusement infiltrée dans les moeurs qu’elle ne semble plus déranger les congolais.
Déjà, dans les années 80, les grandes brasseries de bière de Kinshasa et Brazzaville communiquaient par artistes interposés sur les effets positifs de leurs produits Tonton Skol, Primus, Ngok, etc.
Ce type de représentation peut avoir des effets thérapeutiques quand, par exemple, les artistes congolais remettent en scène des situations de guerre en évoquant par la danse Hélico, les fameux bombardements de Brazzaville ou encore la fameuse danse Ndombolo imitant la démarche du Mzee Laurent-Désiré Kabila. Après tout, il faut bien rire, sinon en danser de toutes ses horreurs. Mais est-ce la solution ? Ces derniers années, les hommes politiques ont également investis le créneau. Aussi en écoutant un morceau du génial Fally Ipupa, votre blogueur danseur devra s’attendre à une référence au maire de Brazzaville, ou d’un autre grand général de la place, contraignant votre serviteur troublé à marcher sur les pieds de sa belle alors qu’il tenait un bon rythme… Imaginez-vous entrain de danser sur un morceau de Johnny Halliday et qu’un clin d’œil soit donné au ministre de l’intérieur Alliot-Marie en plein cœur de " Quelque chose de Tennessee "… Si vous pensez ensuite à l’état des rues de Brazzaville, les délestages d’électricité, l’absence d’eau potable aux pompes de la majorité des populations congolaises, vous comprendriez le désarroi du congolais qui se réfugie le soir au fond d’un nganda (*) dans une rumba langoureuse d’un artiste les flagellant des noms de tous ces notables qui pourrissent son quotidien…
La pratique est devenue tellement courante que les artistes ne se posent plus la question de faire la part entre de la bonne plante et de l’ivraie.
Mais, il se passe ces derniers temps en Europe quelque chose en lien avec ce que j’ai évoqué plus haut. Un phénomène qui va peut être permettre aux artistes congolais de prendre la mesure de leur responsabilité.
En effet, depuis deux ans, les artistes ne peuvent plus se produire sereinement en Belgique ou en France. Un collectif de jeunes ressortissants de la RDC basé en Belgique empêche la production de concerts de musiciens congolais sans la référence à la situation du conflit armé qui secoue l’Est de ce pays et qui a déjà fait plus de 5 millions de morts en un peu plus de dix ans. Ainsi la star des stars Koffi Olomidé a vu son concert au Zénith de Paris annulé au mois de février 2009. L’artiste Werrason a vu sa tournée de 2006 sabordée par ce même collectif.
Tout cela est déplorable pour les afficionados, mais les artistes congolais vont devoir prendre une posture quant à leur rapport avec le politique et la question politique et le patriotisme. Enfin, il faut l’espérer. La question des droits d’auteur devoir être remise sur table pour assurer l’indépendance des artistes de toutes ces contingences matérielles… et que les mélomanes congolais puissent savourer leur rumba en toute quiétude. @ suivre...
Un danseur de ndombolo en extase :o)
(*) Nganda : Buvette aux Congo