Conseil de l'Europe: Avertissement (démocratique) à l'Ukraine

Publié le 07 septembre 2007 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

Les élections législatives en Ukraine doivent être libres et régulières : il y va de la crédibilité démocratique du pays

Strasbourg, La capacité durable de l'Ukraine à organiser des élections libres et régulières qui soient conformes aux critères du Conseil de l'Europe, comme cela a été le cas en 2006, est essentielle pour donner à l'Ukraine une crédibilité en tant que nation démocratique. Telle est la conclusion à laquelle est parvenue la mission pré-électorale de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) au terme de sa visite en Ukraine .

Le fait que les élections législatives de 2006 se soient globalement déroulées de manière libre et régulière est perçu par beaucoup, Ukrainiens en tête, comme l'une des avancées majeures des changements démocratiques intervenus en 2004 - un héritage à ne pas dilapider. Aussi est-il capital que tous les acteurs se plient aux règles qu'exige un scrutin démocratique et résistent à la tentation d'en jouer, comme cela s'est vu par le passé.

Il est primordial que toutes les parties prenantes au processus électoral acceptent les résultats du scrutin, sans recourir à des bricolages et acrobaties juridiques et politiques destinés à modifier l'expression de la libre détermination du peuple. Le maintien de la confiance de l'opinion dans le processus électoral est indispensable pour consolider et faire progresser la démocratie en Ukraine.

La délégation a jugé encourageante la volonté clairement exprimée par tous les acteurs politiques d'organiser des élections démocratiques qui répondent aux normes rigoureuses fixées en 2006. La liberté dont continuent de jouir les médias, tout comme le fait que la campagne soit ouverte à tous dans les mêmes conditions, sont des signes positifs à cet égard. La délégation a salué la visibilité de cette campagne, qui est davantage axée sur les enjeux et qui aidera les électeurs à poser un choix éclairé quant à l'avenir de leur pays.

Les modalités du scrutin semblent avoir été bien préparées et devraient permettre de relever le défi que représente l'organisation de ces élections en un laps de temps aussi court. La délégation veut croire que tous les délais légaux resteront tenus.

La délégation a néanmoins fait aussi état de certains points qui suscitent à ses yeux de graves inquiétudes. Quelques-unes des modifications récemment apportées aux textes de loi régissant ces élections ne vont pas dans le sens d'une amélioration et pourraient être en porte-à-faux avec les objectifs et critères du Conseil de l'Europe en matière d'élections démocratiques. Le risque de politisation de la Cour constitutionnelle et le retard mis à statuer sur la constitutionnalité des amendements précités sont ici préoccupants. Invoquer l'intersession n'est pas acceptable, et ne saurait valablement excuser de tels retards. La délégation réitère la position de l'Assemblée, à savoir que tout ce qui pourrait apparaître comme une pression politique exercée sur la Cour constitutionnelle est inadmissible dans ce contexte.

Les récentes modifications de la loi qui autorisent de rayer des listes les électeurs en voyage à l'étranger limitent de manière excessive le droit de vote et sont contraires aux critères du Conseil de l'Europe. Elles soulèvent de surcroît des interrogations en terme de respect de la vie privée et semblent être discriminatoires.

La délégation accueille favorablement toutes les mesures qui facilitent l'exercice du droit de vote par les citoyens. Cela étant, la suppression de toute obligation de justifier le vote à domicile pose problème dans le contexte de l'Ukraine, où cette formule a servi par le passé de moyen de fraude électorale.  La Commission électorale nationale (CEC) devrait user des prérogatives que lui confère la loi pour réglementer clairement le vote à domicile, de façon à garantir la transparence de cette procédure et à éliminer toute possibilité de fraude. S'il s'avérait qu'un nombre inexplicablement élevé d'électeurs a eu recours au vote à domicile lors du prochain scrutin, il y aurait tout lieu de se poser des questions quant au processus électoral.

La délégation se réjouit des efforts déployés par les autorités pour s'assurer de l'exactitude des listes électorales. Leur établissement étant décentralisé, il n'est cependant pas exclu qu'un même électeur puisse être inscrit - et puisse voter - plusieurs fois.

La politisation accrue de la CEC, très clairement observée lors de l'enregistrement des partis, préoccupe également la délégation. Tous les partis devraient enjoindre leurs membres qui siègent auprès de la Commission d'agir en toute impartialité dans l'intérêt du processus démocratique, et non dans celui d'une seul parti. En outre, il conviendrait de constituer des commissions électorales à un niveau moins élevé, de façon à garantir leur réelle pluralité politique.

Sur le plan médiatique, le climat est certes globalement positif mais quelques inquiétudes subsistent ; elles sont notamment dues au manque de transparence concernant l'actionnariat des médias, à l'absence de service de radio-télévision publique et d'organe indépendant de régulation des médias, ainsi qu'au recours à la publicité politique déguisée.

Le fait d'avoir pris des agents des administrations locales et régionales pour encadrer la campagne électorale risque de gommer la distinction entre les fonctions qui relèvent de l'Etat et celles qui relèvent des partis, et l'opinion pourrait y voir la preuve que l'exploitation abusive des ressources administratives n'appartient pas au passé. La délégation appelle tous les partis à ne pas céder à la tentation d'utiliser ces ressources à leur seul profit.

Enfin, la délégation se dit très préoccupée de ce que les intérêts politiques et commerciaux s'entremêlent sans cesse, ce qui constitue à l'évidence une entrave au développement démocratique du pays.

Ces élections ne représentent qu'une étape sur la voie du règlement de la crise constitutionnelle que connaît actuellement l'Ukraine. Le seul moyen de sortir de cette crise est de trouver un vaste compromis politique concernant l'organisation constitutionnelle de l'Ukraine (y compris un nouveau système électoral) qui soit fondée sur la séparation des pouvoirs et recueille l'accord de tous les partis. Ce processus est entre les mains du peuple ukrainien et de leurs représentants démocratiquement élus, et d'eux seuls. L'Assemblée reste prête à aider le peuple ukrainien dans cette tâche importante mais difficile.