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C.M. Martini, La Passion selon S. Marc - Le Mystère du Fils de l'Homme

Publié le 05 avril 2009 par Walterman

C.M. Martini, La Passion selon S. Marc - Le Mystère du Fils de l'Homme


Pour mieux comprendre le récit de la Passion dans l'évangile de Marc, nous donnerons pour titre à notre première méditation : « Le mystère du Fils de l'homme ». Nous nous appuierons sur les épisodes qui composent les chapitres 8 à 10.
Nous pénétrons au plus intime du mystère du Règne de Dieu. Comprendre tout ce que nous allons lire relève davantage de la prière que de considérations théoriques sur ce que nous écoutons.
D'une certaine manière, nous avons à comprendre plus en profondeur ce que saint Paul voulait saisir quand, dans sa lettre aux Philippiens, il écrivait : Le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances (Ph 3, 10).
Dès les premiers chapitres de Marc, on peut saisir comment le sort de la semence foulée aux pieds ou desséchée par le soleil est, en dernière analyse, le sort même de Jésus. Au chapitre 4, la semence est la parole évangélique, mais la parole de l'Evangile, c'est Jésus.
Le Royaume, présenté à mots couverts dans les paraboles comme mystère d'enfouissement, de croissance dans l'obscurité, de croissance laborieuse et contrariée, se révèle plus clairement dans la seconde partie de l'évangile de Marc, comme le mystère du Fils de l'homme.
Le catéchumène qui a dit oui à Jésus Fils de Dieu, quand il a entendu l'appel au bord du lac, connaît l'épreuve de la foi à laquelle il est convié dans sa suivance du Christ. Il sait d'expérience ce que veut dire être introduit dans la nouveauté d'une situation inattendue, situation où valeur est donnée aux lois de la rencontre personnelle, de l'humilité, de l'attente, de la patience. Voilà l'école de Jésus telle qu'elle nous est présentée dans les huit premiers chapitres de Marc.
Demeurer avec lui amène les disciples à comprendre, petit à petit, comment la vie qu'ils ont embrassée n'a rien d'une existence où prévalent les lois de l'efficacité, du succès, du pouvoir, mais au contraire celles de la vie cachée, de la rencontre personnelle, de la petitesse. Cette connaissance voilée du mystère, qui ne s'est manifesté que par des signes, devient explicite à partir du chapitre 8.
Commence alors la seconde partie de l'évangile de Marc.
Il convient tout d'abord de signaler que l'évangile de Marc se divise nettement en deux parties de longueur presque égale, mais qui se différencient l'une de l'autre à bien des égards. Le vocabulaire qui revient fréquemment dans la première partie, par exemple, ne paraît pas dans la seconde et vice versa. Des termes caractéristiques de la première partie sont des verbes ou des expressions comme « comprendre », « incapacité à comprendre », « saisir », « voir », « avoir le coeur aveuglé, endurci » ; « écouter », « connaître », « cacher », « révéler » ; des verbes qui montrent ce que signifie pour Jésus comprendre le Royaume : en faisant confiance à sa Parole. Il se plaint du fait que les hommes ont le coeur fermé et que ses disciples sont lents à comprendre. Jésus veut éveiller l'attention, de manière que l'esprit soit tendu vers ce qui va se manifester.
À un moment donné, cependant, la requête de Jésus change : l'insistance n'est plus tellement sur le fait que les apôtres comprennent, qu'ils ouvrent les yeux, qu'ils saisissent ce qui se passe, mais sur la nécessité de faire quelque chose pour le Royaume, de se donner soi-même, de donner sa vie, de payer de sa personne. Nous avons alors les sentences typiques de la seconde partie : seul celui qui perd sa vie la sauvera ; il faut laisser maison, frères, parents, fils pour l'Évangile ; il faut même sacrifier sa propre main, son pied, son oeil pour le Royaume.
Dans la première partie, il s'agit de comprendre le Royaume, dans la seconde, l'important c'est d'y entrer.
Quel est l'événement qui marque le passage de l'attention au Royaume à la nécessité d'y entrer ? l'événement qui fait le lien entre les deux phases de la prédication de Jésus ?
C'est l'épisode de la confession messianique de Pierre à Césarée, moment clé à partir duquel les thèmes de la prédication de Jésus changent. C'est dans la seconde partie qu'il s'emploie, en particulier, à former avec le plus grand soin le groupe des Douze. Dans la première partie, ils le suivent, ils sont les témoins de son activité ; dans la seconde, c'est dans l'intimité qu'il ne cesse de s'adresser à eux.
Pourquoi la confession de Pierre occupe-t-elle une place centrale ? C'est qu'à partir de ce moment le Royaume commence sur la terre. Le fait que de ce tout petit groupe, petit comme le grain de sénevé par rapport au monde d'alors - c'est-à-dire Pierre et les Douze avec lui - Jésus va être reconnu dans son identité véritable, marque le commencement du Royaume que Jésus vient apporter sur la terre. Et ce fait-là change tout le contenu de la prédication de Jésus. Il se met à parler ouvertement et non plus par énigmes.
Voyons alors quelques éléments de cette seconde partie de l'évangile de Marc, surtout les prédictions de la Passion. La première vient tout de suite après la confession de Pierre. Les deux autres se produisent à intervalles réguliers dans les deux chapitres suivants. Cette succession rythmique, chez Marc, est intentionnelle, bien sûr.
Et d'abord, pourquoi trois prédictions? Ce qui est essentiel doit être répété trois fois. Il s'agit donc d'un enseignement d'une rare importance. C'est ce qui justifie sa place au début de la seconde partie de l'évangile. (à suivre)

Cardinal Carlo Maria Martini, Et Dieu se fit vulnérable. Les récits de la Passion, Cerf 1995, p. 75-78


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