Je pourrais vous parler de l'Escale du livre de Bordeaux qui logera bientôt dans un studio et où les auteurs sont condamnés à regarder passer les jolies dames et les
jolis messieurs.
Mais je préfère vous entretenir de conjugaison. Le ministère de l'Education nationale, qui n'a pas peur des ruptures dans la chaîne du sens, a supprimé la découverte du passé composé au CE2. Au CE1
oui, mais pas après. Or, ce temps est extrêmement délicat à manier à l'écrit. Les maîtres du CE1 l'abordent à la fin de l'année scolaire mais sans le systématiser. Autrement dit, les enfants
actuellement en CE2 partiront à l'assaut du passé composé en CM1 seulement alors que cette classe est chargée en nouveaux apprentissages. Combien de têtes blondes ou brunes tomberont de sommeil
dans les fondrières des participes ? Combien d'élèves découragés se réfugieront dans les replis du rêve ?
En conséquence, j'ai décidé en tant que maître de CE2 d'évoquer tout de même ce satané passé composé oublié par les hiérarques de la pédagocratie. Deux à trois heures pour sauver le passé composé !
Qu'au moins nos gosses sachent le retrouver dans des phrases à défaut de l'utiliser ! Evidemment, ma patronne ne serait pas contente. Un fonctionnaire doit obéir sans réfléchir. Mais la conscience
alors ? L'éthique pédagogique ? Est-ce vraiment rien ?
Sauver le passé composé c'est sauver l'enfance promise aux lendemains qui déchantent. Sauver la littérature. Sauver les arts. Sauver la philosophie. A l'heure où toutes les inspections académiques
ne jurent plus que par les nouvelles technologies qui remédieraient à tous les maux, il est urgent de redonner à la langue toute sa puissance cognitive, symbolique et imaginaire. Internet ne
remplacera jamais les bibliothèques. Le globish attendu par les capitulards de la pensée ne passera pas par moi.