Jacques Chirac a lancé le 27 mars dernier, en compagnie de représentants de 30 pays réunis à l'UNESCO " le projet Aladin, programme éducatif visant à
lutter contre le négationnisme de la Shoah dans le monde arabo-musulman." Ce projet à l'initiative de la
Fondation pour la mémoire de la Shoah vise à rendre disponibles en arabe, en persan et en turc des informations objectives sur le génocide des juifs pendant la Seconde guerre mondiale, les
relations judéo-musulmanes et la culture juive. Il repose sur un site Internet www.projetaladin.org qui présente en cinq langues
(arabe, persan, turc, anglais et français) l'histoire de la Shoah, du peuple juif et des relations entre les musulmans et les juifs au cours des siècles. Une bibliothèque numérique www.aladdinlibrary.org rend accessible en
arabe et persan des témoignages sur la Shoah, dont "Si c'est un homme" de Primo Levi et "Le Journal d'Anne Frank", traduits pour la première fois dans ces langues.
J'avais déjà analysé l'importance de la traduction de certains textes porteurs d'une forme de pédagogie de la Mémoire de la Shoa. C'est l' une des raisons
qui m'avaient fait apprécier d'être éditée par Kamel M'Rad, le fondateur des Editions des Samsãra. Sans autre soutien que sa propre conviction d'homme et de citoyen enraciné dans deux cultures,
il a récemment réédité tant en français qu'en arabe, la pièce de théâtre de Jacques Bruyas, un texte sous forme de monologue, qui relate l'histoire tragique, dans le camp de Térézin,
du massacre de 480 enfants et d'un clown, la veille même de la libération du camp. Initiative privée qui va dans le sens de l'universel.
Lors de la conférence lançant le projet Aladin, Jacques Chirac a apporté son soutien et celui de sa Fondation pour le
dialogue des cultures à ce "combat pour rétablir la mémoire de la Shoah là où elle est niée, effacée, déformée", la "faire connaître (...) sans vouloir faire porter aux pays musulmans une
culpabilité qui n'est pas la leur". L'ancien président a exprimé son inquiétude face à la montée
d'une "nouvelle haine des juifs" au Proche-Orient, étayée par le conflit israélo-palestinien, phénomène que l'on retrouve également en Europe. Jacques Chirac a dénoncé dans
son intervention "l'apartheid insupportable de la mémoire" de la part de ceux qui affirment que l'Holocauste était "le problème des juifs". "Il n'est pas trop tard. Il n'y a aucune
fatalité à la haine", a t'il affirmé.
Je rappelle, pour triste mémoire, les "plaisanteries"haineuses de Dieudonné et la réitération par Jean-Marie
Le Pen de sa célèbre tirade sur les camps de concentration, "point de détail" selon lui de l'histoire de la Seconde guerre mondiale. Ces personnages publics, relayés par les
médias, même avec un esprit critique, laissent des traces dans l'inconscient de ceux qui, eux, n'ont pas la pleine maîtrise de la dialectique de la haine.
Lors de cette intervention à l'Unesco, Rachida Dati a lu un message de
soutien du président Nicolas Sarkozy. Le Sénégalais Abdoulaye Wade, président en exercice de l'Organisation de la conférence islamique, l'ancien président mauritanien Ely Ould Mohamed Vall et
Simone Veil, ancienne présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, étaient également présents, ainsi que des représentants de l'Egypte, de Tunisie, du Maroc, du Qatar, de Bahreïn, de
Turquie, d'Indonésie ou de Bosnie. Tous ont signé l'"appel à la conscience", déclaration symbolique prônant la
lutte contre le négationnisme et "l'approfondissement d'un dialogue fondé sur la connaissance et le respect mutuels".
Ma foi en l'humain me porte à espérer que ce projet Aladin sera plus, bien plus, que de beaux discours et que
demain, le génocide arménien, celui du Rwanda ou du Cambodge, entre tant d'autres, deviendront pour l'Histoire, de même que la Shoa, une tache sur la conscience du monde que la Lumière de
la connaissance contribuera à effacer.