La quête

Publié le 04 avril 2009 par Wilverge
Préparation dudit gruau

Puerto Natales, Chili

Protèges mollets imperméables, bottes de randonnée dernier cri, bâtons de marche en carbone et kits de Gore-Tex assortis à l'être aimé, bienvenue à Puerto Natales, capitale du treker B.C.B.G. Réputée pour son parc national reconnu comme étant le plus beau d'Amérique du Sud, cette ville reçoit chaque année quelque 200 000 visiteurs de partout dans le Monde, dont nous.
Notre parcours sera le circuit « W » que nous adaptons en ajoutant au début et à la fin les sentiers menant aux entrées du site, évitant ainsi les coûteux transports attrapes touristes. Une centaine de kilomètres de nature répartis sur sept jours en toute autonomie.
Un vrai couple des bois.
Je suis enthousiaste à l'idée de me surpasser dans ce qui semble être pour moi un grand défi. Will, quant à lui, se réjouit à l'idée de vivre loin de la civilisation sans se laver et à creuser la terre de ses mains.
Première journée, après une généreuse portion de succulent gruau, on attaque les trois célèbres tours qui ont donné son nom au parc soit Torres del Paine. Elles portent définitivement bien leur nom vu la douleur ressentie dans mes cuisses pour les atteindre. Non, sans blague, ce nom signifie les tours bleu ciel en dialecte local et c'est très logique. Logées à environ 1250 mètres d'altitude, ces trois structures de granite aux sommets enneigés surplombent, telles des gardiennes, une lagune aux reflets turquoise. Avec les quelques flocons de neige virevoltants au-dessus de nos têtes, le coup d'œil est grandiose. Attention toute fois aux forts vents sur le bord des falaises, car à 80 km/h, on se sent plutôt instable.

De retour à la tente, épuisés mais, le sourire aux lèvres après avoir vu cette merveille de la nature, nous nous concoctons le repas des champions dans l'entrée des toilettes du refuge pour éviter le vent : macaroni au fromage et saucisses hot-dog. Rien de mieux avant de se glisser dans nos sacs de couchage en faisant de la fumée en respirant.
Jour deux, la journée s'annonce superbe. Beau soleil, presque pas de vent, la belle vie quoi. Nous entamons les 16.5 km qui nous séparent du prochain campement avec joie et allégresse. La vue sur le lac est superbe. Nous pique-niquons tranquillement aux abords d'une rivière cristalline en nous faisant chauffer au soleil. L'air est pur et frais, le bonheur total. On ne se doute pas encore de ce qui s'en vient car, la Patagonie possède un climat bien spécial. Le temps ici est comme une boîte à surprise et peut changer toutes les demi-heures.
Comme de fait, le ciel s'assombrit soudainement et le vent se lève. Une pluie diluvienne et glaciale se déverse alors sur nos têtes. Les sentiers deviennent vite des rivières de boue glissante et pour couronner le tout, je marche depuis quelques heures à une vitesse inférieure à celle d'une tortue tant j'ai mal aux genoux. C'est l'apocalypse!
La route semble interminable. Will qui en a marre de m'attendre prend mon sac en plus du sien. Comme un mulet, il doit maintenant être chargé d'environ 70 livres.
Il est fort mon chum!
Je marche devant en éclaireur. Mon sourire a soudainement ramolli pour faire place à ma face de découragement. À chacun de mes pas, le chemin s'allonge et s'enfonce nous éloignant de notre destination. Will de son côté semble en exercice militaire détrempé et portant tous nos avoirs sur son dos.
Puis soudainement, j'aperçois quelques boules de couleur dans la forêt et une cabane de bois faisant office de toilette. Enfin la maison, si on peut appeler ça ainsi. Will aura donc porté mon sac deux heures de temps dans la montagne abrupte, mon héros!
L'épopée pluie n'est toutefois pas terminée. Il nous faut maintenant installer la tente et un abri de fortune pour cuisiner. Au pied du Glacier del Francés, la nuit s'annonce froide et humide. On se cuisine de bonnes soupes en sachet histoire de se réchauffer mais, la condensation qu'elles produisent fait dégoûter le plafond de la tente. À chacune des bouchées, en se penchant vers notre bol, notre nez laisse échapper une petite goutte rendant le repas un peu plus salé. Nous partageons romantiquement qu'une seule cuillère ayant perdue l'autre. On réussit même l'exploit de renverser deux fois le même bol sur nos matelas de sol et je fais brûler une petite partie de mon sleeping mouillé en tentant de le sécher au-dessus d'une chandelle. Chaque geste devient une aventure en soit dans notre maison de toile de la grandeur d'une personne dans laquelle nous sommes deux plus nos sacs!
Comme mon père dirait; « faut-tu aimer ça se mettre dans le trouble », mais que voulez-vous, la quête du bonheur éternel est pleine d'embûches.
Sur ce, je me dis que demain est un autre jour et qu'après la pluie, vient le beau temps ?
- Freezy Nad