Synecdoche, new york

Par Rob Gordon
Trop souvent catalogué comme un simple petit malin, Charlie Kaufman révèle sa vraie nature avec Synecdoche, New York : ce type est juste un fou complètement génial. Avec lui, la mise en abyme n'est qu'un commencement, et est elle-même mise en abyme jusqu'à l'épuisement. Un épuisement qui guette d'ailleurs le spectateur de ce film d'une grandeur dévastatrice, d'abord replié sur lui-même dans un autisme absolu, avant de soudainement s'ouvrir au monde, de le réinventer sans cesse et d'en extraire la substantifique moëlle. Synecdoche, New York est à des lieues de ce qu'il semble être, c'est-à-dire un simple procédé scénaristique destiné à épater la galerie. Ce n'est pas seulement l'histoire d'un type qui met en scène l'histoire de sa vie avant de mettre carrément sa vie en scène ; ce qui se déroule sous nos yeux ébahis, c'est juste l'histoire de l'humanité, de la naissance de l'art, du caractère éphémère de nos existences. Le tout dans un style évidemment emphatique, mais jamais en roue libre. Une pure claque, anxiogène et admirable.
Voilà un film foncièrement inconfortable, singulièrement cahotique, à la temporalité totalement déréglée. Une seconde passe en un siècle, un siècle en une seconde, et voilà Caden Cotard (Philip Seymour Hoffman, juste assez excessif pour le rôle) qui se perd avec nous dans cette spirale chronologique allant au-delà de l'ellipse. L'écriture de Kaufman est si précise qu'il parvient à nous déposséder de nos repères, à nous plonger dans l'inconnu sans pour autant nous larguer une seule seconde. En deux heures, il brasse plus de thèmes que bien d'autres en une vie entière, les abordant de façon frontale et gonflée. On a réellement l'impression de vivre en accéléré, de multiplier les expériences déstabilisantes, de comprendre enfin ce qu'est l'art et de se poser les bonnes questions sur son utilité ou son inutilité. C'est un truc totalement fou, qui en laissera plus d'un sur le bas côté, une oeuvre si riche et indescriptible qu'il vaut mieux ne rien en dire, poser là son clavier et retourner la voir, encore et encore, quitte à en devenir complètement taré.
8/10