Sommet de l’OTAN à Strasbourg : les ordonnances de rejet (TA Strasbourg, 1er avril 2009, LDH et a.): un triste spectacle pour les droits de l’homme

Publié le 03 avril 2009 par Combatsdh

Sur sa page internet, le tribunal administratif de Strasbourg publie la série de 6 ordonnances du 1er avril 2009 du juge des référés rejetant les requêtes en référé-liberté de la Ligue des droits de l’homme et de particuliers contre les mesures exceptionnelles de sécurité décidées par le préfet du Bas-Rhin dans le centre ville de Strasbourg à l’occasion du Sommet de l’OTAN.

Ces rejets ne sont malheureusement pas un poisson d’avril du juge admininistratif strabourgeois.

L’enjeu était assez simple : les mesures adoptées par la préfecture (zones de sécurité, fichage “sauvage” des riverains, généralisation de la vidéo-surveillance, etc) pour accueillir les délégations étrangères pour le sommet de l’OTAN, qui portent atteinte aux libertés fondamentales (liberté d’aller et venir, vie privée et familiale, libertés de manifestation et de réunion, liberté de commerce et d’industrie, etc.) étaient-elles nécessaires et proportionnées?

On est en effet dans la classique application des pouvoirs de police générale. Suivant la formule du commissaire du gouvernement Corneille sur l’arrêt Baldy de 1907, “la liberté est la règle. La restriction de police l’exception”.

A voir l’ampleur des restrictions dans le centre ville de Strasbourg dans la perspective de la tenue du sommet de l’OTAN dans cette ville les 3 et 4 avril 2009 (v. le billet d’Eolas, Le petit manuel du parfait strasbourgeois pacifiste, Journal d’un avocat, 24 mars 2009 sur le retrait des drapeaux pacifistes) il n’est pas certain que dans cette zone la liberté demeure la règle…

En outre, il résulte de l’une des ordonnances rendues par le juge des référés que les autorités ont procédé à un fichage “sauvage” des riverains des zones de sécurité, sans déclaration ou autorisation de la CNIL, au mépris de la loi “informatique et liberté” de 1978 et ce sans que ce juge ne trouve rien à redire…

NB: au moment où nous publions ce billet le TA de Strasbourg a mis en ligne 3 nouvelles ordonnances du 3 avril 2009 (0901613, 0901614, 0901615) rejetant pour défaut d’urgence des demandes de suspension totale de décisions de refus d’entrée au point de passage frontalier le 31 mars 2009 prise par la Police aux frontières du Bas-Rhin à l’encontre de ressortissants communautaires supposés appartenir au «Black block » d’après les fichiers allemands et munis de cagoules compte tenu du fait que les intéressés sont sous le coup d’une interdiction de sortie du territoire allemand

(l’un de ces décisions - M. Jan S. - est d’ailleurs mal anonymisée!!)

I. Ainsi, dans l’arrêt Benjamin (CE 19 mai 1933 au GAJA), lorsqu’une liberté publique - telles que la liberté de réunion ou de manifestation - est atteinte, le juge administratif exerce un contrôle approfondi des atteintes portées par des mesures de police, justifiées pour les nécessités du maintien de l’ordre public. Il exerce alors un contrôle de proportionnalité sur l’adéquation entre la mesure de police adoptée au nom de l’ordre public et les restrictions aux libertés. Ces restrictions doivent être nécessaires et proportionnées.

Dans le cadre du contrôle exercé par la Cour européenne des droits de l’homme, sur le fondement des articles 8, 9, 10 ou 11, on retrouve le même contrôle et les mêmes exigences de justifications de la restriction nécessaire dans une société démocratique, adéquate, proportionnée et fondée sur un motif jugé légitime de ces libertés fondamentales.

Rappelons que dans cette affaire, M. Benjamin souhaitait donner une conférence à Nevers sur le thème “Deux auteurs comiques : Courteline et Sacha Guitry.” Devant les nombreuses protestations de syndicats d’instituteurs, qui reprochaient au conférencier de les ridiculiser à l’occasion de chacune de ses interventions, le maire de Nevers décida finalement d’interdire la réunion.

Cette décision fut annulée par le Conseil d’État au motif que les risques de troubles à l’ordre public allégués par le maire pour interdire cette réunion n’étaient pas tels qu’ils aient pu justifier légalement l’interdiction de cette réunion, alors que la liberté de réunion est garantie par les lois du 30 juin 1881 et du 28 mars 1907.

Le maire aurait dû adopter les mesures adéquates pour à la fois protéger la liberté de réunion des partisans de M. Benjamin, la liberté de manifestation des instituteurs publics tout en requérant les forces de police suffisante pour garantir le maintien de l’ordre public.

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Cette jurisprudence, protectrice des libertés publiques, a souvent bénéficié durant les années 1990/2000 aux réunions du Front national (v. CE, réf., 19 août 2002, Front national ). C’était notamment le cas lors d’une très grande manifestation qui s’était déroulée contre le Front national à Strasbourg lors d’un meeting de ce parti.

Mais la finalité des mesures adoptées doit être, dans la mesure du possible, de concilier protection des libertés en concurrence (réunion pour les uns; manifestation pour les autres) et le maintien de l’ordre public.

Dans ce cadre juridique, que penser des ordonnances rendues par le juge des référés du TA de Strasbourg?

II. En l’occurence, à Strasbourg, en vue de la protection des chefs d’Etat, de gouvernement et des délégations à l’occasion du sommet de l’OTAN les 3 et 4 avril 2009, le préfet a édicté un arrêté créant deux zones de restrictions de circulations dite de “sécurité”, en deux endroits distincts (englobant d’une part le lieu de la réunion autour du palais des congrès et d’autre part un site de prestige, autour du château des Rohan)

Pour pénétrer en leur sein, il est nécessaire d’être muni de badges d’accès sous conditions de renseignement de formulaires spéciaux délivrés aux résidents desdites zones. Pour cela un système de fichier des résidents et des commerçants de la zone a été créé temporairement.Des dispositifs complémentaires en-dehors de ces zones, nécessaires à la sécurité de l’hébergement et au déplacement des nombreuses délégations étrangères ont été édictées, entraînant des restrictions, voire des interdictions de circuler ou stationner.

Par ailleurs, la police a imposé, au mépris de la liberté d’expression et de l’inviolabilité du domicile, à des riverains de retirer des drapeaux « Pace, no to Nato » des fenêtres ou façades.

Un drapeau pacifiste à Strasbourg, avant le sommet de l’Otan qui doit se tenir les 3 et 4 avril 2009./PATRICK HERTZOG / AFP


* Rappelons aussi la procédure utilisée: Depuis le 1er janvier 2001, en application de la loi du 30 juin 2000, il est possible de saisir le juge administratif des référés en application de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

« Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes
mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale
de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait
porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge
des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures.
»

Le juge administratif des référés peut donc prendre toute mesure nécessaire pour faire cesser une atteinte à une liberté fondamentale. Il faut néanmoins justifier de l’urgence (atteinte grave et immédiate à aux intérêts du requérant, à un intérêt qu’il défend ou à un intérêt public), d’une atteinte grave à la liberté fondamentale et une illégalité manifeste par une administration dans le cadre de l’exercice de ses compétences

[NB: si elle “sort” ou dénature l’exercice de ses pouvoirs, l’acte est manifestement insusceptible de se rattacher à sa compétence et on est dans le cadre de la voie de fait que le juge administratif ne peut que constater mais par réparer puisqu’il s’agit d’une compétence du seul juge judiciaire].

Si la requête en référé-liberté n’est pas considérée manifestement irrecevable par le président de permanence (ordonnance de “tri” de l’article L.522-3 du CJA), l’affaire est audiencée dans les 48 heures. La procédure est contradictoire écrite ou orale. Des compléments d’instruction peuvent être prononcés par ordonnance avant-dire droit. A l’issue de l’audience, il prononce toute mesure nécessaire pour faire cesser l’atteinte ou rejette la requête.

* En l’espèce les 6 requêtes ont été rejetées.

  • Ecartons les 2  requêtes irrecevables pour défaut d’intérêt à agir.

- D’une part un requérant d’habitude, résidant en Polynésie française, un certain René H. (les habitués du contentieux administratif le reconnaîtront [v. son nom reproduit en bas de cet article de Rue 89 ]), se disant « président de la Polynésie française des français et des françaises » et arguant son titre de “natif de Strasbourg” n’a pas de qualité lui donnant intérêt à agir contre les mesures préfectorales dès lors qu’il n’habite pas à Strasbourg et n’est concerné à aucun titre par ces restrictions (René H.,N°0901503).

[v. Conclusions de François Séners, sur sur Conseil d’Etat, 5 octobre 2005, RFDA 2005 p. 942

M. H., dont vous connaissez la frénésie contentieuse (il vous a saisis de plus de deux cent trente requêtes ces cinq dernières années, dont plus de la moitié au cours des huit derniers mois)”, ]

- De même, un autre requérant qui se contente d’exciper de sa qualité “d’avocat” ne justifie d’un intérêt suffisant, direct et certain avec les mesures critiquées même s’il considère que les interdictions de stationner restreignent la “liberté d’aller et venir des avocats et au droit des personnes gardées à vue à un procès équitable“.

Il souhaitait obtenir la suspension des arrêtés organisation du traité de l’atlantique nord (OTAN) 3-2009 et OTAN 5-2009 du 24 mars 2009 et l’injonction au préfet de laisser l’ensemble des avocats susceptibles d’intervenir pour rencontrer des personnes placées en garde à vue stationner librement aux abords de l’hôtel de police.

En outre, si la liberté d’aller et venir est une liberté fondamentale, ce n’est pas le cas du “droit au stationnement” et, selon le juge des référés, ces mesures n’ont “ni pour objet ni pour effet” de porter atteinte au droit des personnes gardées à vue (M. Pierre Etienne R…, N°0901560).

Ce professionnel du droit aurait simplement pu, au lieu d’invoquer sa qualité d’avocat, insister sur le lieu d’exercice de sa profession ou de sa résidence (s’il habite Strasbourg) comme les enseignants chercheurs lors de la contestation de l’état d’urgence en référé-liberté en décembre 2005.

  • Intéressons nous aux 4 autres requêtes en référé:

On peut les regrouper en 2 catégories: - celles portant sur la création par l’arrêté préfectoral de zones de sécurité réglementées avec des restrictions drastiques de circulation pour y pénétrer et de diverses libertés à l’intérieur (1.);

- celles portées par la Ligue des droits de l’homme, soutenue par le Syndicat des avocats de France, concernant la création d’un fichier des personnes travaillant et habitant au sein des ces zones et autorisant l’extension temporaire de la vidéo-surveillance (2.).

1. La contestation de la création de zones de sécurité

Deux référés visaient à obtenir la suspension de l’arrêté préfectoral n°1-2009 du 24 mars 2009 organisant le sommet de l’OTAN en contestant la création des zones de sécurité.

- La première requête visait à obtenir que les résidents des zones rouges et oranges puissent accéder et circuler librement à l’intérieur de ces zones durant le sommet sans badges (Melle Orianne A…, M. Arnaud Z…, M. Christophe M…, N°0901544);

- La seconde émane d’une médecin résidant et exerçant à l’intérieur de la zone sécurisée « orange » - ce qui lui donne logiquement qualité pour agir (M. le Docteur Georges F., N°0901551).

Sur les deux requêtes, la condition d’urgence ne fait pas de difficulté compte tenu de la proximité du sommet (les 3 et 4 pour des requêtes enregistrées le 31 mars) et le fait que les mesures portent une atteinte grave et immédiate à leurs intérêts.

Incontestablement il existe également des atteintes à des libertés fondamentales (liberté d’aller et venir, liberté de réunion, liberté de manifestation, liberté du commerce et de l’industrie).

Ces atteintes sont circonscrites dans l’espace (zones délimitées) et le temps (sur 2 jours). Elles ne sont donc pas générales et absolues (puisqu’on sait que le juge administratif admet difficilement qu’une interdiction générale et absolue soit justifiée - sauf circonstances particulières comme dans l’arrêt de 1954 Houphouët-Boigny).

L’enjeu était donc de savoir - comme cela a été dit en introduction - si ces mesures étaient nécessaires et proportionnées. Autrement dit, s’il existait une adéquation entre les mesures adoptées au nom de l’ordre public et la restriction aux libertés.

Benjamin”, vous disais-je.

Pour établir l’ampleur du risque, le juge des référés retient que la réunion des chefs d’Etat de l’OTAN est “susceptible de générer des troubles graves”. Se référant à d’autres manifestations internationales de ce type, il estime que la réalité du risque est établie et ce d’autant plus “que des messages appelant au sabotage de l’OTAN, à la désobéissance civile, à la perturbation du sommet en occupant les accès, ont circulé dans les médias, notamment sur internet” - considérant qu’il reprend dans les 4 décisions.

Il apparaît dès lors “légitime et indispensable” que des mesures de sécurité “à l’échelle des menaces proférées et des expériences du passé soient prises“.

S’agissant spécifiquement du médecin, ses patients pourront être pris par le service d’urgence.

Il juge dès lors que les mesures adoptées portant création de deux zones réservées même si elles entraîneront “d’inévitables inconvénients pendant près de 48 heures” ne saurait constituer, dans les circonstances de l’espèce, une atteinte disproportionnée aux libertés fondamentales.

On peut néanmoins s’interroger non pas sur la légitimité mais sur la proportionnalité des mesures adoptées. Comme dans le cadre de l’état d’urgence en novembre-décembre 2005, des sommets d’Evian ou de Vichy, on constate une tendance des autorités de police à prendre des mesures de plus en plus restrictives des libertés dans des périmètres réservés aux personnalités et forces de l’ordre de plus en plus larges - transformant les sommets de chefs d’Etat et de gouvernement en forteresse bunkérisée au mépris des droits et libertés des citoyens et des riverains.

Si on peut comprendre l’interdiction de manifestations dans ces zones pour éviter des affrontements, des mesures aussi radicales ne semblent pas justifiées et proportionnées.

D’ailleurs, je suggère aux riverains - particulièrement aux commerçants - de demander à l’Etat l’indemnisation du préjudice subi pour rupture d’égalité devant les charges publiques.

 2. Sur la vidéo-surveillance et le fichage des riverains

Par deux requêtes en référé-liberté (N°0901561 ; 0901569), la LDH -soutenue par le SAF- avait demandé la suspension de l’arrêté du 20 février 2009 autorisant la Communauté urbaine de Strasbourg à installer un système de vidéosurveillance constitué de 19 améras réparties sur le territoire de la Ville de Strasbourg et la création du fichier des habitants et professionnels habitant dans les zones sécurisées.

Le juge des référés rejette là aussi les requêtes en référé en estimant:

- s’agissant de l’extension temporaire du dispositif de vidéosurveillance existant qu’elle est fondée “sur les exigences de sécurité, y compris la prévention de risques de nature terroriste” à l’occasion du sommet de l’OTAN les 3 et 4 avril 2009 et qu’elle est limitée “à trois sites stratégiques

Par ailleurs, elle aurait été été prise, conformément à la législation en vigueur (article 10 de loi du 21 janvier 1995 modifiée notamment en 2006) et suivant la procédure adéquate (par le préfet après avis favorable de la commission départementale des systèmes de vidéosurveillance).

Le juge des référés du tribunal administratif, sans rechercher si toutes les garanties exigées par le Conseil constitutionnel lorsqu’il a contrôlé la conformité de cette disposition législative à la Constitution (voir ici ) étaient respectées, a estimé qu’il n’était pas pas établi que “le fonctionnement de ce dispositif porterait atteinte au respect de la vie privée ou de la liberté d’aller et venir“.

Il est donc invité à (re)lire la décision du juge constitutionnel…

Sur le fichage de la population

Le juge des référés reconnaît l’existence du fichier dénoncé par la LDH.

Il note en effet que depuis la création des zones de sécurité, afin de munir les riverains de badges, “depuis le début du mois de février 2009, un recensement général des personnes qui voudront se déplacer hors des sites sécurisés où elles habitent, est en cours” et “qu’il est demandé aux intéressés de décliner leurs noms, prénoms, adresse, composition du foyer et références à la pièce d’identité qui sera exigée, en plus du badge“.

L’ensemble des éléments matérialise “leur inscription à un fichier automatisé” et il est donc que ces faits “révèlent” l’existence d’un traitement de données à caractère personnel mis en oeuvre depuis plusieurs semaines.

Si tel est le cas, le fichier contenant des données nominatives aurait dû être déclaré à la CNIL, en application de l’article 22 de la loi de 1978 voir même être autorisé si on considère que ce fichier relève des 3° (données relatives aux infractions, condamnations ou mesures de sûreté, sauf ceux qui sont mis en oeuvre par des auxiliaires de justice pour les besoins de leurs missions de défense des personnes concerné) ou 4° (“Les traitements automatisés susceptibles, du fait de leur nature, de leur portée ou de leurs finalités, d’exclure des personnes du bénéfice d’un droit, d’une prestation ou d’un contrat en l’absence de toute disposition législative ou réglementaire“) de l’article 25 ou d’une autre disposition exigeant une autorisation.

Le juge des référés constate  “notamment” que “l’arrêté ministériel requis, après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, n’est pas paru à la date de lecture de la présente décision”.

Autrement dit, il n’existe pas - sinon la préfecture se serait empressé de produire l’arrêté d’autorisation (qui semble être exigé par le juge des référés mais sans davantage de précision) ou, au moins, la déclaration.

Or, de manière paradoxale et dans une décision dont les considérants “miroitent”, le juge des référés va d’abord “constater le manque de base légale des opérations de recueil des données effectuées dont il est demandé la suspension” et ensuite que “pour justifiées [sic] que puissent être [justifiées] les mesures prises, prévues de longue date, aucune urgence ne saurait excuser le non-respect des dispositions prévues par la loi relative aux fichiers, à l’informatique et aux libertés”.

Enfin, il reconnaît qu’il y a bien atteinte à une liberté fondamentale (vie privée et familiale) et même, au titre de l’urgence, que les “contrôles prévus seront effectifs incessamment”.

Et pourtant…

Et pourtant, de manière pour le moins hallucinante et avec un raisonnement qui a peu de chance d’échapper à la censure du Conseil d’Etat -si appel il y a-, le juge des référé rejette la requête en relevant que “lesdites opérations sont en voie de quasi-achèvement et qu’il n’est plus utile au juge des référés, saisi tardivement, d’interrompre un processus engagé depuis des semaines“.

Une tel raisonnement est absurde et surtout repose sur une erreur manifeste d’appréciation. Soit les mesures qui, comme le reconnaît le juge des référés, portent atteinte à une liberté fondamentale, ont cessé de produire leurs effets (par exemple le fichier a été détruit) et il peut prononcer un non-lieu puisque l’objet de la requête a disparu en cours d’instance.

Soit, comme c’est le cas ici, le fichage manifestement illégal se poursuit et il est du devoir du juge des référés-liberté de prendre toute mesure nécessaire pour faire cesser immédiatement cette atteinte grave et manifestement illégale à la vie privée et familiale des riverains fichés. Il ne peut reprocher à l’association requérante une saisine tardive dans la mesure où précisément c’est en voyant se dérouler les opérations de recensement que les militants se sont rendus compte du fichage en cours. Il fallait donc cesser l’utilisation des ces fichiers illégalement constituées et ce avant leur utilisation les 2 et 3 avril.

Donc il était plus que jamais “utile” au juge des référés d’interrompre cette opération manifestement illégale et de donner injonction à la préfecture soit de régulariser le fichier (s’il est conditionné à une simple déclaration à la CNIL par la préfecture), soit de la détruire (s’il est conditionné, comme le laisse entendre l’ordonnance, à un arrêté ministériel, après autorisation de la CNIL).

Sans oublier que procéder au fichage d’une population sans respecter les formalités préalables peut faire l’objet de sanctions prononcées par la CNIL   et même de poursuites pénales .

Décidément, les évènements de Strasbourg -qui se déroulent à proximité du Palais des droits de l’homme où siège la Cour européenne des droits de l’homme- constituent une sinistre mise en scène du mépris des droits de l’homme au nom du tout sécuritaire.

Non pas qu’il ne faille prendre aucune mesure pour assurer la sécurité des sommets internationaux. Mais que dans toute chose, et surtout dans un Etat de droit, il faut avoir le sens de la mesure.

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  • Rejet des recours contre les mesures de sécurité à Strasbourg, Reuters, Mercredi 1 avril
  • Sommet de l’Otan à Strasbourg : drapeaux pacifistes s’abstenir,  Par Emmanuelle BOURGET | Etudiante en journalisme | 25/03/2009 | 12H02

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Ordonnance de référé liberté
Audience du 31 mars 2009
Lecture du 1er avril 2009

Président : Patrick KINTZ, président du Tribunal administratif de Strasbourg

0901530 M. H. c./ Préfet du Bas-Rhin Rejet

0901544 Mme A. c./ Préfet du Bas-Rhin Rejet

0901551 M. F.c./ Préfet du Bas-Rhin Rejet

0901560 M. R. c./ Préfet du Bas-Rhin Rejet

0901561 Ligue des Droits de l’Homme c./ Préfet du Bas-Rhin Rejet

0901569 Ligue des Droits de l’Homme c./ Préfet du Bas-Rhin Rejet

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Ordonnances des référés liberté
Audience du 3 avril 2009
Lecture du 3 avril 2009

Président : Patrick KINTZ, président du Tribunal administratif de Strasbourg

0901613
M. DG c./ Préfet du Bas-Rhin Rejet

0901614
M. S. c./ Préfet du Bas-Rhin Rejet

0901615 Mme H. c./ Préfet du Bas-Rhin Rejet