Mercure : polluant à l'échelle mondiale
Cependant, la guerre mondiale totale déclarée à ce poison risque d'épargner le mercure enfoui sous forme d'amalgame ou plombage dans des millions de cavités dentaires de par le monde.
Stratégie mondiale contre le mercure
Après l'Union européenne qui lançait sa stratégie contre le mercure en 2005, le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) vient de lancer un programme destiné à éliminer le mercure. Mercure, guerre mondiale totale, c'est ainsi que pourrait s'intituler cet ambitieux projet dont le but est de réduire, voire interdire l'usage du mercure à l'échelon planétaire. Ainsi, c'est bien une stratégie mondiale contre le mercure que lance le PNUE, une guerre mondiale déclarée à ce polluant majeur des éco-systèmes puisque 140 pays, dont la France, se sont impliqués dans le projet d'un traité contre le mercure, lors du forum mondial de l’environnement qui s'est tenu en février dernier à Nairobi au Kenya.
Pollution mondiale par le mercure
Si un plan mondial contre le mercure s'impose aujourd'hui, c'est qu'il y a urgence. Le PNUE dresse un constat alarmant à propos de la pollution mondiale par le mercure. Par exemple, en Suède, d'après Hachim Steiner, directeur exécutif du PNUE, « environ 50 000 lacs abritent des brochets avec des niveaux de mercure dépassant les limites internationales en matière de santé ». La pollution est telle qu'il est conseillé aux femmes en âge de procréer de ne pas consommer brochets, perches, lottes ou anguilles. Autre exemple, aux États-Unis, dans une grande partie des états, les pluies, y compris les moins polluées, contiennent des taux de mercure dépassant les seuils de sûreté recommandés pour l'eau potable par l'EPA (agence américaine pour l'environnement).
Contamination des femmes par le mercure
La contamination des femmes par le mercure est particulièrement préoccupante. Ainsi, une étude révèle qu'une américaine sur douze "présente des niveaux de mercure supérieurs à ceux considérés comme sains par l'agence de protection de l'environnement" (300 ng/m3). Ce sont donc presque cinq millions de femmes qui présentent aux États-Unis des taux de mercure assez élevés pour faire courir au fœtus des risques de malformations neurologiques. Il est aujourd'hui prouvé que les risques pour le cerveau existent même pour des taux de mercure considérés comme faibles. Ces risques pour le fœtus et l'enfant en croissance ont d'ailleurs été récemment reconnus officiellement par la FDA aux États-Unis (Food and Drugs Administration). Cela n'empêche pas qu'en France et en Europe, on pose aux femmes enceintes des amalgames au mercure sans aucune précaution.
Renoncer à employer le mercure
Dans cette guerre mondiale totale contre le mercure, l'Europe a commencé à agir en interdisant l'exportation de mercure à partir de 2011. Les États-Unis feront de même à partir de 2013. Mais pour lutter efficacement contre le mercure, il est nécessaire d'aller plus loin. Gagner cette guerre mondiale totale implique de renoncer à employer le mercure et de mettre en place des technologies alternatives, en particulier dans l'industrie du chlore qui rejette chaque année en France 700 kilos de mercure dans l'atmosphère.
Dentistes et pollution mercurielle
Bien qu'ils s'en défendent, les dentistes qui emploient l'amalgame dentaire ou plombage, alliage à froid réalisé à base de mercure, contribuent de manière non négligeable à la pollution mercurielle. Chaque année, dans toute l'Europe, ce sont 125 tonnes de mercure qui sont posées dans la bouche des européens, dont 15 tonnes rien qu'en France. Bien qu'il soit passé sous silence parce qu'il est dans la bouche d'humains (100 tonnes réparties dans la bouche de tous les français et 1100 tonnes dans celle des européens), le mercure stocké dans les dents finit par contaminer l'environnement, en particulier au moment de la crémation. Si en France, on considère cette pollution au mercure comme nulle parce qu'elle n'est pas mesurée, on a évalué en Suède que le mercure issu des crémations représente un tiers des émissions totales de ce polluant et 16% en Grande Bretagne.
Mercure, l'exception de l'amalgame dentaire
Quand on parle de mercure, l'exception de l'amalgame dentaire ou plombage ne manque pas de surprendre. En effet, autant le discours est alarmiste quand il s'agit du mercure rejeté dans l'environnement, autant il se veut rassurant quand il s'agit du mercure incorporé en bouche sous forme d'amalgame dentaire. Il s'agit pourtant bien dans les deux cas du même métal dénoncé dans le premier cas comme une substance "hautement toxique" et décrit dans le second cas comme un matériau inoffensif et fiable par le comité scientifique européen chargé de la question des amalgames dentaires. Il faut dire que l'Ordre des dentistes français s'est activement impliqué auprès de Bruxelles pour que l'amalgame dentaire ou plombage ne perde pas son titre de "matériau de choix" en dentisterie. Ainsi, la guerre du mercure va-t-elle se jouer partout sauf dans le petit monde de la dentisterie qui continue de défendre activement un matériau dont de nombreuses études* ont montré la toxicité et dont on sait aujourd'hui se passer car des alternatives fiables existent.
La bouche des êtres humains sera-t-elle le dernier bastion où stocker le mercure dont on ne sait par ailleurs que faire ?
* Études sur la toxicité du mercure des amalgames dentaires : voir la bibliographie du Pratikadent.
Attention : la dépose des amalgames dentaires impose des précautions pour éviter une libération accrue de mercure au moment du retrait. En outre il est essentiel de réfléchir par quoi remplacer le plombage. Ces questions importantes sont abordées dans le Pratikadent à la rubrique Plombage-dépose, dont un extrait peut être consulté sur le site des éditions Luigi Castelli.
Émission FRANCE CULTURE sur le mercure :
samedi 4 avril de 7 heure 05 à 8 heures
Participeront à l'émission :
André Picot : toxicochimiste, directeur de recherche honoraire au CNRS, Président-Fondateur d’ATC (Association Toxicologie CNAM).
Laurence Lestel : chimiste et historienne, présidente du Club d'histoire de la chimie de la Société française de chimie (SFC), Maître de conférences à la Chaire d’Histoire des Techniques du CNAM ( Conservatoire National des Arts et Métiers), auteur de : "Itinéraires de chimistes - 1857-2007, 150 ans de chimie en France avec les présidents de la SFC" (ouvrage collectif, 2008).
Marie Grosman : agrégée de l'Université en sciences de la vie.
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