Financement du terrorisme
Le Hezbollah : narco-islamisme
jeudi 26 mars 2009, par Annie Lessard, Marc Lebuis
http://pointdebascu lecanada. ca/spip.php? article1024
Matthew Levitt, directeur du Stein Program on Counterterrorism and Intelligence au Washington Institute, analyse l’accroissement du rôle joué par le Hezbollah dans le trafic de drogue dans la région de la triple frontière entre l’Argentine, le Brésil et le Paraguay, ainsi qu’en Afrique. Les profits réalisés financent le terrorisme. Indépendamment de leurs perceptions divergentes quant au Hezbollah, les Américains et leurs alliés européens ont une forte communauté d’intérêt dans la lutte au narco-islamisme.
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Traduction de : Hezbollah : Narco-Islamism, par Matthew Levitt, Middle East Strategy à Harvard, dans The Washington Institute for Near East Policy, 22 mars 2009Plus tôt ce mois-ci, le Royaume-Uni a annoncé qu’il reprendrait le dialogue avec l’aile politique du Hezbollah. Contrairement aux États-Unis, le Royaume-Uni n’a interdit que les branches terroriste et militaire de ce mouvement. La branche terroriste (l’organisation de la sécurité extérieure) a été placée sur la liste des organisations interdites en 2000. La branche armée a été interdire en juin 2008 en raison de « son soutien actif aux militants en Irak responsables d’attaques contre les forces de la coalition et des civils irakiens, y compris par la formation à l’utilisation de bombes meurtrières » ; de complots en vue de l’enlèvement de personnel britannique de la sécurité en Irak ; et de son soutien à des activités terroristes dans les territoires palestiniens.
L’Union européenne n’a pas encore désigné comme étant terroriste une branche quelconque du Hezbollah - militaire, politique ou autre –, même si elle a désigné feu Imad Mughniyeh, le chef des opérations extérieures du Hezbollah, ainsi que plusieurs autres membres du Hezbollah impliqués dans des actes de terrorisme.
Malgré les différences de perception et de politiques entre les États-Unis et l’Europe à l’égard du Hezbollah, il y a un domaine critique où les intérêts mutuels de toutes les parties convergent : la répression du crime.
Indépendamment des divergences dans les politiques ou les définitions de terrorisme, combattre le crime et appliquer les lois souveraines sont des questions claires. Le Hezbollah, plus que tout autre groupe islamiste, a une longue expérience de la poursuite d’activités criminelles pour se financer. Les États-Unis et leurs homologues européens ont une forte communauté d’intérêt dans la lutte contre le rôle croissant joué par cette organisation dans le trafic de drogue.
Juste cette semaine, l’amiral G. James Stavridis, commandant du US Southern Command qui a été nommé à la tête des troupes de l’OTAN comme commandant suprême des forces alliées en Europe, a témoigné devant le House Armed Services Committee sur la menace que fait peser sur les États-Unis le lien entre le trafic de drogue – « y compris les itinéraires, les bénéfices et l’influence corruptrice » -, et « le terrorisme islamique radical ».
Alors que le Hezbollah est impliqué dans un large éventail d’activités criminelles allant de la contrebande de cigarettes à la vente de produits contrefaits, la connexion entre les drogues et le terrorisme est particulièrement forte. Selon la US Drug Enforcement Administration (DEA), 19 des 43 organisations terroristes étrangères désignées par les États-Unis sont résolument liées au commerce mondial de la drogue, et jusqu’à 60% des organisations terroristes sont soupçonnées d’avoir des liens avec le commerce illégal des stupéfiants.
Le Hezbollah ne fait pas exception. Au cours des dernières années, il a renforcé son rôle dans la production et le trafic des stupéfiants, mettant à profit l’importante population d’expatriés libanais chiites principalement installée en Amérique du Sud et en Afrique.
Selon Michael Braun, ancien administrateur adjoint et chef des opérations de la DEA, « le Hamas et le Hezbollah sont actifs dans cette région [Triple frontière], où il est possible de tirer un bénéfice de 1 million de dollars de la vente de quatorze ou quinze kilos de drogue, un montant qui peut être transporté dans une seule valise. »
Par exemple, l’amiral Stavridis a témoigné qu’en août 2008, le US Southern Command et la DEA, en coordination avec les pays hôtes, ont ciblé un réseau de trafic de stupéfiants du Hezbollah dans la région de la Triple frontière entre l’Argentine, le Brésil et le Paraguay. En août 2008, les États-Unis, avec le concours d’enquêteurs de la Colombie, ont identifié et démantelé un réseau international de trafic de cocaïne et de blanchiment d’argent basé en Colombie. Ce réseau, constitué d’un cartel de drogue colombien et de membres libanais du Hezbollah, utilisait une partie de ses profits - prétendument des centaines de millions de dollars par an - pour financer le Hezbollah.
Ces révélations ne devraient pas surprendre. En décembre 2006, le Trésor américain a inscrit Sobhi Fayad comme Terroriste Spécialement Désigné. Pourquoi ? Parce que, nous informe le Trésor, « Fayad a été un agent senior du Hezbollah dans la région de la Triple frontière où il a servi de liaison entre l’ambassade d’Iran et la communauté locale du Hezbollah. Il a également travaillé pour le Hezbollah et voyagé au Liban et en Iran pour y rencontrer des dirigeants du mouvement. Fayad a suivi un entraînement militaire au Liban et en Iran et a été impliqué dans le trafic de drogues illicites et la contrefaçon de dollars américains.
L’Afrique est aussi une région en passe de devenir une source de préoccupation quant au trafic de drogue par des réseaux terroristes. Selon l’amiral Stavridis, les trafiquants de drogue ont étendu leur présence sur les côtes occidentales de l’Afrique, qui servent de « tremplin vers l’Europe. » Le Hezbollah a longtemps maintenu une forte présence en Afrique, son pôle stratégique pour la collecte et le transfert de fonds. Il s’y livre aussi à des activités criminelles, telles que la contrebande de diamants.
Le lien entre trafic de drogue et activités terroristes - en particulier celles du Hezbollah - pose un défi immédiat aux forces policières des États-Unis et de ses alliés européens. Bien que les Européens ne voient pas le Hezbollah comme une organisation terroriste, ils souhaitent certainement empêcher ce groupe de se livrer à des activités criminelles sur leur sol. Les pays sont particulièrement déterminés à empêcher l’importation de drogues illégales à travers leurs frontières, que ce soit par des réseaux criminels organisés, des groupes terroristes, ou les réseaux hybrides narco-terroristes que les autorités de la DEA décrivent comme « plus malveillants et menaçants que tout ce que les forces de l’ordre et les militaires ont jamais rencontré. »
Ainsi, même si les États-Unis et le Royaume-Uni ne s’entendent pas sur l’opportunité ou les modalités d’un dialogue avec le Hezbollah, ou même sur la façon de classer le Hezbollah et ses différentes composantes, il n’y a pas de « zone grise » quant au caractère illégal du trafic de drogue. Le Royaume-Uni et d’autres nations européennes ne sont pas moins désireux que les États-Unis de lutter contre la circulation de drogues sur leur territoire et d’empêcher le Hezbollah d’y exploiter des entreprises criminelles.
La décision britannique d’ouvrir un dialogue politique avec le Hezbollah est certainement mal informée. Mais ne soyez pas surpris si les Britanniques parlent aux leaders « politiques » du Hezbollah, tout en arrêtant certaines de ses cohortes impliquées dans le trafic de drogue. Même si les autorités décrivent publiquement ces actions comme ciblant des criminels plutôt que le Hezbollah, l’effet sera passablement le même.
Voir aussi :
Venezuela - Le Hezbollah s’implante aux portes de l’Amérique
Canada - Des terroristes ont traqué un équipage de El Al à Toronto
Iran - La Garde révolutionnaire recrute pour des opérations suicide aux États-Unis à être menées par le Hezbollah
Canada- Saisie de Khat, une drogue liée au financement du Djihad
Australie - Moto djihad. Guerre de motards entre sunnites et chiites