Pour son roman inaugural, Paolo Giordano s’attaque à un sujet délicat : les blessures de l’enfance et leurs résonances dans l’âge adulte. Jeune surdoué des mathématiques, Mattia porte le poids de la disparition de sa petite sœur handicapée, qu’il avait laissé dans un parc pour se rendre à une fête. Alice, elle, est restée boiteuse après un accident de ski, et tente de s’évader de la rigueur que lui impose son père au quotidien. Depuis l’enfance, ces deux êtres brisés tentent de se rapprocher, sans pourtant y arriver vraiment.
Jeune scientifique de 25 ans, Giordano livre ici un roman maîtrisé de la première à la dernière page. Pas étonnant qu’il ait remporté haut la main en 2008 le prestigieux prix Strega (équivalent italien du Goncourt). Sans jamais tomber dans le pathos ni le vulgaire, La solitude des nombres premiers réussit à s’écarter d’un genre responsable des pires catastrophes littéraires, le roman initiatique. En dosant habillement un style classique et un développement axé sur l’intime, La solitude des nombres premiers n’embrasse jamais l’ambition de « dresser un portrait de la jeunesse d’aujourd’hui ». Un peu d’humilité ne fait jamais de mal dans un monde de mythomanes.
« La solitude des nombres premiers » de Paolo Giordano, traduit de l'italien par Nathalie Bauer. Editions du Seuil, 330 p., 21 €