On ne saurait trop recommander la lecture du “Livre noir des hôpitaux”, un ouvrage qui dresse un constat inquiétant sur les soins en France. Les auteurs, François Malye, Philippe Houdart et Jérôme Vincent, tous trois journalistes au “Point”, enquêtent depuis de nombreuses années sur l’hôpital, publiant annuellement le palmarès des hôpitaux français. Cette fois-ci, loin d’annoncer les meilleurs hôpitaux, ils listent et décrivent les “mauvais”.
Selon les auteurs, les discussions sur l’hôpital se perdent trop souvent dans de faux débats, du type “on manque de moyens”, et ne prennent pas le parti de s’intéresser aux vrais problèmes, comme la qualité des soins. Il n’existe en France quasiment aucune évaluation des chirurgiens, ni des pratiques. Nous nous vantons d’avoir “le meilleur système de santé du monde” ? En réalité il serait globalement bon, mais avec des dérives incroyables.
Quelques exemples, au-delà des décès en hôpital médiatisés à la fin de l’année 2008. Celui de l’hôpital d’Epinal (Vosges) et ses 5.500 patients irradiés de 1987 à 2006. Un record international en matière d’accident de radiothérapie ! Mais aussi ces nombreux petits hôpitaux dans lesquels la sécurité n’est pas assurée, et qui continuent de fonctionner par l’intervention d’élus locaux ou de la population, comme ça a pu être le cas récemment à Carhaix (Finistère). Les auteurs publient les conclusions de plusieurs rapports établis dans le cadre de la mission du Pr Henri Guidicelli, missionné en 2006 par le ministère de la santé pour visiter chacune des structures en crise : “à la lecture de ces comptes rendus de visites sur site, il est maintenant possible d’affirmer qu’on a laissé perdurer durant de longues années un danger pour les patients : incompétence de certains praticiens, équipes en nombre insuffisant pour assurer la sécurité, accidents à répétition, querelles internes, fuite des patients, mais malgré tout volonté de conserver ces services qui, en réalité, les paralysent et les empêchent de développer l’offre de soins dont les populations ont réellement besoin”.
Les auteurs relèvent enfin la variabilité des taux de mortalité entre les établissements et le secret bien gardé entourant ces données. Ils ont calculé un indice de mortalité, tenant compte de l’âge des opérés, pour une intervention en chirurgie digestive. “Si l’on compare les 343 centres hospitaliers généraux entre eux, la mortalité pour les interventions majeures sur le côlon y varie de 0 à 2,73 (quand l’indice dépasse 1, cela correspond à une surmortalité), de 0 à 1,63 dans les CHU, de 0 à 3,29 dans les centres de lutte contre le cancer et de 0 à 5,79 dans les cliniques”.
Pourtant, pour prévenir les erreurs médicales, assurer la visibilité de l’erreur est fondamental ! Nous l’avons déjà dit ici et c’est ce que développait récemment Denise Silber dans sa note destinée à l’Institut Montaigne, “Mesurer la qualité des soins“, et publiée sur son blog.