sept 6th, 2007 by Alain Hubler
La campagne des élections nationales commence à battre son plein. Dans ce cadre, il y a des sujets dont on parle beaucoup parce que certains ont décidé d’en faire leur beurre. Mais il y en a beaucoup d’autres dont on ne parle pas ou presque.
Parmi ces thèmes tabous, on trouve le salaire ou plus précisément les inégalités salariales. Parmi les inégalités salariales, il y a celles qui touchent les femmes dont le salaire médian est systématiquement plus faible que celui des hommes. Au rang des inégalités salariales, on trouve aussi celles qui touchent les étrangers. Mais on en parle pas du tout, surtout depuis qu’un certain parti fait de celles et ceux qui viennent d’ailleurs des abuseurs, des criminels, des profiteurs si ce n’est avérés, au moins potentiels.
Et pourtant, ce sont bien d’eux que l’on abuse, car les inégalités salariales touchent les étrangers de deux façons bien distinctes. D’une part, les entreprises suisses s’assurent les services d’étrangers hyperspécialisés, en les soustrayant au prix fort à l’économie de leur pays. À l’autre bout de l’échelle, la Suisse bénéficie d’un apport d’étrangers contraints d’accepter des tâches peu qualifiées, même si leur formation leur permet d’aspirer à un travail plus rémunérateur et probablement plus intéressant. La Suisse pratique, en quelque sorte, une colonisation inversée et un apartheid par le travail.
Si la discrimination des étrangers par le salaire n’est pas au centre du débat électoral, c’est sans doute qu’elle arrange bien certains, voire la plupart des formations politiques en lice. C’est aussi et encore plus vraisemblablement parce que le sujet n’est pas «porteur» : se lancer dans la promotion de la lutte contre les inégalités salariales entre les Suisses et les étrangers semble moins rémunérateur en termes électoraux que de s’acharner à les exclure. Et ça c’est un drame pour un pays dont la constitution commence ainsi :
Le peuple et les cantons suisses,
Conscients de leur responsabilité envers la Création,
Résolus à renouveler leur alliance pour renforcer la liberté, la démocratie, l’indépendance et la paix dans un esprit de solidarité et d’ouverture au monde, (…)
On le voit, les inégalités salariales assénées aux étrangers sont clairement contraires aux valeurs suisses mise en exergue par la Constitution.
Mais ce n’est pas tout. Ce piétinement des valeurs ne se limite pas au mépris du préambule de la Constitution. Les inégalités salariales infligées aux étrangers sont maintenant assumées crânement par le patronat suisse. Preuve en est l’aplomb et le manque total de retenue avec lesquels l’Union patronale suisse commentait en novembre 2005 les disparités salariales entre étrangers et Suisses.
L’économie helvétique a intérêt d’une part à disposer de main-d’œuvre étrangère très qualifiée, à laquelle elle offre des salaires en rapport. D’un autre côté, elle a aussi besoin de travailleurs peu coûteux, qui acceptent d’effectuer les travaux dont les Confédérés ne veulent plus.
On se doutait bien que certains le pensaient, mais qu’ils l’écrivent comme ça …
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