Titre : Nos séparations
Auteur : David Foenkinos
Note : 6. Livre avec entrée au panthéon
Fritz & Alice sont l'un pour l'autre, leur premier amour. Ils s'aiment et pourtant, ils vont passer leur vie à se séparer. Sous le coup de multiples raisons ou excuses, le temps va jouer d'eux, les situations grotesques, les histoires de dents, le travail, les belles-familles. Les aléas de la vie sont ancrées dans leur histoire d'amour. Par le soliloque de Fritz, nous vivrons avec ces deux personnages et entr'apercevoir l'essence même de leurs liens.
Fritz est un fils de hippies, Alice fille de bonne famille : un monde entier de valeurs les sépare… et pourtant. Au fil des pages, leur histoire « allait commencer encore ». Nous découvrons une certaine décadence de l’amour ; cet amour qui possède plusieurs facettes. C’est un amour que l’on peut facilement mettre au pluriel et même pire : le conjuguer à tous les temps. On vit au rythme des mots, c’est une écriture simple, sans ambage : cela permet un partage pur, non travaillé des émotions. Quelques touches d’humour sont distillées dans les paragraphes malgré la tristesse des situations. On ressent une certaine amertume, une mélancolie du temps. On se voit dans certaines situations ; on vit avec le personnage : les angoisses véritables, les parfaits instants de bonheur. Sans détour, j'avoue que ce sont ces petits détails de l'autre, ces menus souvenirs qui font la force et la fatalité de leur amour qui m'ont séduite et touchée. A chaque page lue, nous approchons des inévitables fins qui, malgré tous les indices, les ressentis de Fritz, éclatent avec l’intensité que nous supposions. Ce livre m’a peut-être touchée plus que de raison, car c’est finalement la magie de son arrivée : il est sans doute entré chez moi à un moment particulier dans ma vie.
Quelques extraits :
* Je tentais simultanément de faire du sport pour avoir un beau torse et de lire l’intégrale de Schopenhauer pour me faire une idée précise de l’amertume. Selon plusieurs avis soudoyés, ce mélange me conférait une certaine élégance. Je pouvais peut-être envisager une vie de héros moderne. Seuls obstacles à cet héroïsme potentiel : mes insomnies. On ne peut pas sauver l’humanité sans ses huit heures de sommeil. Tous les héros dorment bien, même d’un œil. Ils maitrisent la nuit pendant que je compte tous les moutons du monde ; pas un qui m’ait jamais sauté par-dessus la ête. Il faudrait que l’un d’entre eux rate son saut. Se faire assommer par une masse laineuse endort à coup sûr.
* Oui, je sais, c’est étrange de s’appeler Fritz. Surtout quand on n’est pas allemand. Mon père avait une passion pour le roman Mars de Fritz Zorn. Ainsi, il m’était tout à fait agréable de porter le prénom d’un auteur mort à trente-deux ans d’un cancer et qui disait : « Je trouve que quiconque a été toute sa vie gentil et sage ne mérite rien d’autre que d’avoir le cancer. »
* [Le père d’Alice] s’intéressa à moi :
« Alors comme ça vous travaillez chez Larousse ?
_ Oui, c’est ça.
_ Et c’est là-bas, qu’on vous apprend à économiser vos mots ? »
* Je végétais devant la télévision, fasciné par le télé-achat, par les chaînes d’informations en continu, et, dans mon esprit vaporeux, il m’arrivait parfois de mélanger les deux et de m’imaginer que je pouvais m’acheter un attentat à Bagdad.
Il était chez Thracinee, puis a atterri chez moi. Qui souhaite l'avoir à son tour ?