Ce qui m’épate toujours, c’est qu’une première phrase comme “Longtemps je me suis couché de bonne heure” entraîne les milliers qui suivent. Comment cela fonctionne-t-il ? De quoi naissent les oeuvres?
Moi aussi je crois que j’aimerais écrire.
…
Rien ne t’en empêche,(…). Il faut te lancer, voilà tout. Même si on croit ne pas avoir grand-chose à raconter, le plus souvent c’est le fait même d’écrire qui génère l’histoire. c’est comme un processus qui s’autoalimente.Je crois que j’ai de l’imagination (…), c’est toujours ça. Mais ça ne suffit pas, n’est-ce pas ?
Non, ça ne suffit pas,(…). Le produit de l’imagination ne donne pas forcément de la littérature. Et du reste il existe de la bonne littérature très peu imaginative. Mais enfin ce n’est pas non plus antinomique. tout coexiste, je crois.
Ce qui me plaît dans ce dialogue c’est l’idée de l’écriture qui s’autoalimente. Autant dire que dès qu’on a la première phrase, une bonne première phrase du genre “Longtemps je me suis couché de bonne heure.”, la suite vient. Plutôt rassurant pour ceux qui n’ont pas d’imagination, ou plutôt qui n’ont pas ficelé leur roman dans leur tête avant de le mettre sur le papier (ou plutôt sur l’écran de l’ordinateur).
L’imagination est à ne pas confondre avec l’inspiration. Antonio Tabucchi faisait dire à ses personnages :
J’aimais peindre mais je n’avais rien à peindre, enfin, je n’avais pas d’inspiration, l’inspiration est fondamentale pour peindre.
C’est certain, (…) sans inspiration la peinture n’est rien, et les autres arts non plus.
Si l’inspiration, c’était cette fameuse première phrase ? Même si celle-ci est déplacée, effacée par la suite, elle permet d’enclencher le processus d’autoalimentation dont parle Christian Garcin.
Juste un mot pour parler de ce foisonnant roman La Piste mongole et un petit clin à notre sujet. Celui-ci est fait d’une multitudes de romans qui s’entremêlent. Combien de premières phrases ?
Bien sûr, il y en a une, réelle, définitive, imprimée :
Nous étions debout à l’entrée de la yourte, silencieux, à regarder la jeune femme environnée de fumée qui parlait vite, les yeux fermés, d’une voix monocorde, tandis que la vieille au long nez, assise face à elle et penchée en avant, l’écoutait avec attention, ne l’interrompant qu’à une ou deux reprises, et à tout cela je n’entendais évidemment rien.
J’aurais pu la proposer pour le jeu.
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