"Le monde s'est tu pendant que nous mourions"
L'autre moitié du soleil déroule sa trame durant la guerre Nigeria-Biafra qui eut lieu entre 1967 et 1970. Les faits sont réels mais les personnages fictifs. Apparaît tout d'abord dans le récit de Chimamanda Ngozi Adichie Ugwu, jeune boy de treize ans, venu servir un maître intellectuel aux idées engagées, Odenigbo. Puis, nous suivons le destin de deux soeurs jumelles, pourtant dissemblables, Olanna, belle et amoureuse de Odenigbo, et Kainene, plus sèche et ironique, qui nourrira une liaison secrète avec un journaliste blanc, Richard. C'est le parcours de ce groupe, à l'avenir privilégié tout tracé, que l'auteure nous conte, un parcours que l'indépendance du Biafra (symbolisée par un demi-soleil jaune cousu sur les manches des soldats) et la guerre viendront foudroyer...
J'ai eu de la peine à entamer ce lourd roman puis je me suis laissée happer avec force par ses personnages, habilement peints, et une intrigue savamment menée. Bien entendu, il est question de la guerre, de ses exactions, de ses horreurs. Bien entendu, il est question de la mort, dans ce qu'elle peut avoir de plus injuste et de plus sordide. Mais ce n'est pas ce que je retiendrai de ce livre. Je retiendrai le portrait de deux femmes fortes aux caractères différents, Olanna et Kainene, qui m'ont semblées à moi terriblement vivantes, bien que fictives. Je retiendrai la richesse du personnage d'Ugwu, sauvé par les mots, la lecture et l'instruction. Je retiendrai la tendresse qui lie chacun d'eux, entre eux, précieuse. Un roman qui nous parle avec subtilité des guerres oubliées du monde, mais aussi de la fragilité de la vie. Un livre avec de l'émotion au bord de la lecture.
Un extrait...
"Edna avait un rire doux. Elle enseignait la musique, passait des disques de jazz un peu trop fort, faisait des côtes de porc bien tendres et parlait souvent de l'homme qui l'avait quittée une semaine avant leur mariage à Montgomery et de l'oncle qui s'était fait lyncher quand elle était petite.
"Tu sais ce qui m'a toujours stupéfaite ? disait-elle à Olanna comme si elle ne lui avait pas déjà raconté la veille. Que des Blancs civilisés mettent leurs jolies robes et leurs chapeaux et se rassemblent pour regarder un Blanc pendre un Noir à un arbre."
Et elle riait de son rire doux en tapotant ses cheveux, qui avaient le brillant gras du fer à défriser. Au début, elles ne parlèrent pas d'Odenigbo. Ca faisait du bien à Olanna d'être avec quelqu'un qui n'ait aucun rapport avec le cercle d'amis qu'elle avait partagé avec Odenigbo. Et puis, un jour, alors qu'elle accompagnait en chantonnant la chanson de Billie Holiday, My Man, Edna demanda :
"Pourquoi tu l'aimes ?"
Olanna leva la tête. Elle avait l'esprit vide.
"Pourquoi je l'aime ?"
Edna leva les sourcils en articulant muettement, sans les chanter, les paroles de Billie Holiday.
"Je ne pense pas que l'amour ait une raison, dit Olanna.
- Bien sûr que si.
- Je crois que l'amour vient en premier et que les raisons suivent. Quand je suis avec lui, j'ai l'impression que je n'ai besoin de rien d'autre." Olanna fut surprise par ses propres paroles, mais cette troublante vérité lui donna soudain envie de pleurer."
Un livre lu dans le cadre du grand prix des lectrices de
2009Catégorie Roman
ISBN 978-2-07-077610-8 - 25 € - 09/2008
La lecture d'Amanda -