Ce tableau peint par David en 1784 s’inspire d’un roman de Jean-François Marmontel, publié en 1767, selon lequel le grand général
Byzantin Bélisaire, injustement condamné par l’empereur Justinien, réduit à la misère, aurait eut les yeux
crevés. Ce roman qui visait en fait le règne de Louis XV fut interdit à l’époque. L’œuvre de David est une allégorie de l’ingratitude des souverains, le héros déchu sollicite la pitié des
passants tandis que l’un de ses anciens soldats le reconnaît avec stupéfaction. Les historiens savent que Bélisaire ne connut pas cette triste fin de mendiant aveugle. Ce général au cœur fidèle
fut toutefois la victime de complots de pouvoirs et subit de multiples désaveux de l’empereur, ce qui en fit dans la littérature et la peinture un exemple de
l'ingratitude des puissants de ce monde.
Ce tableau me permet d’évoquer une période passionnante, le « siècle de Justinien » qui réunit des personnages hauts en couleurs. Tout d’abord Justinien,
l’empereur dont le pouvoir failli être balayé par la grande émeute « Nika » en 532, qui fait ensuite construire la basilique Saint Sophie encore debout aujourd’hui et devenue la grande
mosquée d’Istanbul. Prenant à cœur son titre « d’empereur des romains », il tente de reconquérir la partie occidentale de l’empire. Cette entreprise, tournée vers le passé contribue à
l’affaiblissement de l’empire. Son épouse, Théodora, eut aussi un destin hors du commun puisque fille d’un montreur d’ours, actrice et prostituée elle
séduit Justinien, monte sur le trône et joue un grand rôle politique. Autour du couple impérial gravitent Jean de Cappadoce le ministre des finances, l’eunuque Narsès qui fut aussi un général et
Procope de Césarée qui écrivit « l’histoire secrète » un pamphlet où il s’étend sur les turpitudes réelles ou supposées de Théodora.