Au lendemain du 1er avril et ses blagues, notamment médiatiques, deux liens vers deux blogs où l'on évoque... le couple vérité / mensonge.
Les médias disent-ils la vérité ? s'interroge Alain, pendant que Trader relate le passage d'un livre de Albert Cossery, mensonge et vérité.
Deux éclairages intéressants qui se parlent, à l'introduction de Alain ("Même quand ils le font volontairement le 1er avril, il arrive qu'on les croit, alors, vous pensez, les autres jours !.... Plus sérieusement, on peut répondre oui dans le sens où ils ne disent à leurs lecteurs que ce qu'ils veulent bien entendre et NON, dans le sens où les lecteurs sont leurs complices et sanctionneraient leur journal en ne l'achetant plus si celui-ci leur disait tout sans faire le tri !") répond la conclusion de Trader : "Il n'y a aucun avenir dans la vérité, tandis que le mensonge est porteur de vastes espérances." .
Je me sens évidemment proche de ces deux points de vue.
Pour avoir bossé dans des journaux, et avoir longtemps cru à la vérité, disons à cette valeur, à moins que ce ne soit une notion, j'ai vite descendu de quelques crans. Non que le journaliste mente toujours. Mais plutôt que malgré toute sa bonne volonté et j'évoque ici ceux qui avaient une once de déontologie, le journaliste dépend toujours de celui qui lui donne l'information. Et ce dernier ne dit pas toujours TOUTE la vérité. Des bribes. Des parcelles. Le journaliste se démerde avec ça. Au point que le "juste" confine à la justesse et pas forcément à la justice. Au point aussi que le couple vérité - mensonge prenne des saveurs variables, selon qui, selon quoi. On relativise, quoi.
Pour bosser chaque jour avec des journalistes, je mesure aussi comme les médias, aujourd'hui, sont victimes de leurs organisations. Ils DOIVENT produire de l'information, et la produire dans des formats qui poussent du coup à la mise en scène, au raccourci, au schéma. Ils ne disent peut-être pas toujours la vérité, mais ils sont parfois loin de cet état d'esprit, occupés qu'ils sont à tenir des horaires, à faire avec des contraintes de temps ou d'espace, contraints qu'ils sont à ne pas avoir le temps de creuser l'info, fouiller le sujet.
La question du temps, ici, est essentielle. Celle pour faire son travail, en premier lieu. Mais aussi celle qui rime avec durée et permet de se constituer des réseaux, d'avoir une "mémoire" suffisante d'un lieu, d'un sujet.
Le journaliste n'a plus forcément ce temps, d'autant que la fameuse "polyvalence" et les "progrès technologiques" ont fait que les "métiers" sont devenus des variables aléatoires. Eparpillement préjudiciable.
Et puis s'il y a le média et le journaliste, il y a aussi le "en face". Le lecteur, l'auditeur, le téléspectateur. Qui zappe. Qui choisit ce qui lui parle et ce qui ne lui parle pas. Qui gobe.
En 10 ans de presse, en 15 ans de communication, je suis toujours incapable de savoir au juste ce que les gens veulent.
Peut-être qu'au fond, ils ne veulent rien. Ou rien de spécial.
Sans doute qu'au fond, ils prennent et consomment, retiennent ou pas, lisent ce qu'ils veulent.
Au risque de suivre Trader dans la conclusion de son billet. Ou de se dire que tout cela relève finalement non d'un faux problème mais d'une mauvaise manière de l'appréhender ?