Américanophile sur la question de l’Otan, Nicolas Sarkozy singulièrement revendique une autre voie, officiellement plus moralisatrice, dans la gestion du monde des affaires. Une simple posture partagée pour l’occasion avec Angéla Merkel afin de s’attacher les faveurs de leurs opinions publiques respectives.
Prise en otage du G2O ou simple coup médiatique, le président français et la chancelière allemande ont appelé hier le G20 à s’engager fermement, par des mesures concrètes allant au-delà des déclarations d’intention, en faveur d’une réforme de l’architecture financière internationale.
Angéla Merkel, veut voir dans le G20 de Londres une réunion “importance capitale pour l’avenir du monde”. Le sommet de Washington, le 15 novembre 2008, était le sommet des intentions. Les bonnes fées France et Allemagne penchées sur le berceau du sommet de Londres formulent le vœu “impérieux” que les intentions se traduisent par des actions concrètes.
Certains veulent voir dans ce clivage, la vieille fracture entre capitalisme anglo-saxon et capitalisme rhénan. On en sourirait presque si la situation n’était aussi dramatique pour des millions de salariés. Nicolas Sarkozy, président bling-bling serait-il devenu soudainement un austère industriel protestant ? Ne présenterait-il pas plusde similitudes avec le troublant cavalière Berlusconi ?
Plus sérieusement, l’attelage franco-allemand témoigne d’une inquiétude, voire d’un agacement face à ce que certains dirigeants considèrent comme une absence de stratégie claire de l’amérique. A l’impossible pourtant nul ne devrait être tenu. L’administration US nage en eaux troubles. Il faut laisser un peu de temps à celle-ci pour se décanter. A lire certains observateurs avertis, il aurait fallu que dès les premiers jours de son mandat, Barack Obama annonce un plan d’encadrement drastique des pratiques de Wall Street pour réussir au mieux l’assainissement indispensable de l’industrie financière américaine. La belle affaire. Heureux donneurs de leçons qui auront vu la crise arriver une fois celle-ci installée…
Tout à sa joie de pouvoir afficher une unité retrouvée et sans doute momentanée avec le partenaire allemand, Nicolas Sarkozy veut, comme à son habitude aller vite, quitte à confondre vitesse et précipitation, notamment sur le dossier des paradis fiscaux. Le président français a prévenu : “Le G20 est-il pour la fin des paradis fiscaux ou leur continuation ? ( …) Y-a-t-il un chef d’Etat pour dire que les paradis fiscaux sont quelque chose de normal”. Le principe d’une nouvelle régulation financière est “un objectif majeur et non négociable”, a indiqué le président français. Le roitelet veut son hochet. Beau parleur, le français n’est pas bon payeur. Barack Obama engage 600 milliards d’euros dans la relance du système, soit 5,6% du Produit Intérieur Brut américain quand les mesures de Nicolas Sarkozy ne portent que sur à peine 1% du PIB hexagonal.
Le caprice français ne devrait pas faire sourciller Barack Obama dont le calme contraste avec la nervosité de son homologue français. Et pourtant le poids des responsabilités n’est pas le même. La charge qui pèse sur les épaules du président américain est écrasante. Le sort du système économique mondial est pour l’essentiel entre les mains de l’Oncle Sam, pays encore le plus puissant de la planète. Nicolas Sarkozy oublie qu’il y a quelques mois seulement, la crise systémique a été évitée de peu et que si le patient va mieux, il est toujours en réanimation.
Question morale pourtant Nicolas Sarkozy pourrait prendre des leçons du nouveau cousin américain. Mais si le président français est seul maître chez lui, il n’en est pas de même sur la scène internationale. Peu habitué aux seconds rôles, Nicolas Sarkozy ne veut pas se contenter de donner la réplique à un président Obama dont l’aura est incontestable. La menace de claquer la porte s’il n’obtenait pas gain de cause témoigne d’une attitude capricieuse un peu comme ces enfants malpolis qui menacent de se rouler par terre.
Le grand écart français a été pointé par Dominique de Villepin.”Je ne crois pas qu’on puisse, à quelques jours d’intervalle, dire +je reviens dans le commandement intégré de l’Otan parce que les absents ont toujours tort+ et, à la veille de participer à la réunion du G20, dire qu’on envisage de s’absenter”. Pas à un coup de godille près, Nicolas Sarkozy sur Europe 1 mercredi matin s’est défini comme un ami des États-Unis, mais un ami debout, un ami indépendant.
La critique pourtant la plus sévère émane de l’économiste Nicolas Baveretz : “Nicolas Sarkozy se pense et se vit comme le président des réformes, alors qu’il est celui de la crise. Or les événements ont rendu caduque son programme.”
De toute évidence, Nicolas Sarkozy fait mine de ne pas avoir compris que l’objectif du G20 n’est pas de dessiner sur un coin de nappe un nouveau système financier mais simplement dans la tempête d’afficher sérénité et assurance pour contribuer à ce qui est le plus important dans l’immédiat : un retour de la confiance.