Etudiante, je lisais avec ferveur les professionnels capables de s’exprimer dans la presse, aussi impressionnée qu’admirative. Oui, je sais, je rejoignais ainsi les groupes de fans dérécébrés capables de se taper dessus pour un ballon rond savamment manipulé par une star en short, payée 500 fois plus qu’un smicard !
Légèrement influencée par ma mère (légèrement j'ai dit ;-)), qui travaillait dans le milieu puisque cadre dans un groupe de presse important, j’ai toujours été très sensible à l’écrit tout autant qu’à la façon de faire partager ses idées (la communication ça s'appelle).
Et voilà qu’aujourd’hui, je suis citée sur 3 colonnes dans Le Monde, Yves Eudes faisant part de nos entretiens dans le dossier « Nos vies sur internet à perpète ». Autrement dit comment Internet s’empare de nos vies, privée et professionnelle.
Alors aujourd’hui, je sais que ma mère va être fière de moi. Bon, elle trouvera toujours quelque chose à redire, normal… c’est ma mère (petite pensée à ma chère amie P. qui a le même modèle numéroté de maman et qui voit bien ce que je veux dire). La dernière fois, lors de mon intervention dans Stratégies, elle avait trouvé que j’y allais un peu fort en critiquant le mode de recrutement des agences (ben oui elles sont clientes maman, mais oui aussi, maman je t’assure, les mentalités sont à faire changer).
Ci-après, le début de l’article et le lien pour la suite…
Oui, maman, c’est bon, je vois ton numéro de tél. s’afficher, je réponds, je réponds…
A 31 ans, Fanny est déjà passée par une dizaine d'entreprises, dans le journalisme, la communication, le marketing. Comme beaucoup de semi-précaires, elle laisse son profil affiché en permanence sur les sites Internet d'emploi et les plates-formes communautaires professionnelles comme Linked-In ou Viadeo. Par ailleurs, Fanny utilise Internet pour son plaisir : elle fréquente le site de rencontres Meetic, a un profil Facebook et une page sur MySpace. Elle est aussi l'auteur d'un blog personnel qui porte son nom, où elle publie des textes humoristiques, décalés ou provocateurs.
En septembre 2008, à l'issue d'un stage de formation, Fanny commence une nouvelle période d'essai dans une agence de communication parisienne. Elle est alors contactée par la petite agence de recrutement Elaee, qui lui propose un autre poste. Elle se prépare pour un nouvel entretien d'embauche - elle a l'habitude. Mais elle a oublié un détail. Sur le CV en ligne envoyé à Elaee, elle avait placé un lien vers son blog : "Au départ, il était plutôt orienté pro, je voulais montrer que je savais rédiger un article. Puis j'ai trouvé un job, et mon blog est devenu de plus en plus perso, je racontais ma vie, mes états d'âme, je faisais de l'humour."
Informée de l'existence du blog, la patronne de la société qui souhaitait l'embaucher va y faire un tour. Là, elle tombe sur un texte dans lequel Fanny explique sur un ton ironique qu'elle se sent très flemmarde. Troublée, la patronne décide de téléphoner à la candidate : "Elle m'a posé des tas de questions sur mon ego, se souvient Fanny, je ne voyais pas où elle voulait en venir." Quelques jours plus tard, Fanny est informée par l'agence que sa candidature est rejetée. Avec le recul, elle reconnaît son erreur : "J'ai été prise de court. Si j'avais eu plus de temps, j'aurais effacé certains textes de mon blog, et je lui aurais donné une allure sérieuse, motivée et tout."
Echaudée, Fanny fait une recherche sur elle-même, en tapant son nom dans des moteurs de recherche : "Il y a quelque temps, j'avais participé à une opération de charité sur un site humanitaire. Pour inciter les gens à envoyer de l'argent tout en les faisant rigoler, j'avais écrit que pour un don de 200 euros, je montrerais mes seins. Quand j'ai tapé mon nom dans Google, c'est ce texte qui s'est affiché en haut de la première page. J'étais horrifiée. J'ai réussi à le faire effacer."
Cela dit, Fanny sait qu'elle n'est pas entièrement innocente : "Les blogueurs ont un peu une posture de stars. On s'exprime sur toutes sortes de sujets, on soutient des causes, on se fait prendre en photo pendant des soirées un peu chaudes, ça laisse des traces." Depuis, elle a été embauchée dans une autre société de communication, sans renoncer à son blog.
La responsable d'Elaee, Claire Romanet, chasseuse de têtes spécialisée dans le marketing et la communication, estime que Fanny n'aurait jamais dû être pénalisée pour sa liberté de ton. Mais elle considère que cette nouvelle transparence imposée par Internet est un fait acquis : "Mon métier consiste à minimiser les risques pour les entreprises. Dans cette affaire, la patronne savait que ses clients font des recherches pour en savoir plus sur elle et ses employés, c'est entré dans les moeurs. Elle craignait que si l'un d'eux tombait sur ce blog, il en déduirait que sa boîte était remplie de feignasses."
Claire Romanet passe beaucoup de temps sur Internet. Elle publie un blog sur l'actualité de son secteur, répond aux candidats, passe des annonces, consulte les sites spécialisés, entretient ses réseaux. Elle s'en sert aussi parfois pour en savoir plus sur ses candidats : "Si le CV n'est pas clair, mon premier geste est de taper le nom sur Google." Le moteur de recherche livre en vrac toutes les traces laissées sur Internet. La chasseuse de têtes peut aussi utiliser les nouveaux sites "agrégateurs", comme 123People.com ou CVGadget.com, qui cherchent des données sur une personne dans tous les recoins de l'Internet et les réunissent sur une même page, bien rangées et bien présentées : photos, vidéos, courriels, téléphones, profils sur réseaux sociaux, blogs, forums, messageries, mentions dans des dépêches d'agence et articles de presse...
Claire Romanet estime qu'elle n'a pas le choix : "Selon les statistiques de l'Association pour l'emploi des cadres (APEC), près de 70 % des CV circulant en France sont bidonnés ou embellis. Par recoupements, je peux constater qu'un candidat a publié sur Internet plusieurs CV contradictoires. Je peux aussi combler un trou dans un CV : j'ai découvert qu'un candidat avait enchaîné quatre périodes d'essai dans quatre boîtes différentes, dont aucune n'avait débouché sur une embauche, et qu'il n'en avait pas parlé dans son CV." Si un cadre affirme avoir participé à de nombreuses conférences et conventions, on peut vérifier ses dires en consultant les sites de ces événements.
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