AMNESTY épingle la police et la justice françaises

Publié le 02 avril 2009 par Torapamavoa Torapamavoa Nicolas @torapamavoa

Société 02/04/2009 à 08h17 (mise à jour à 10h09)
Violences policières: le diagnostic accablant d'Amnesty
Amnesty International dénonce dans un rapport publié jeudi «l'impunité» dont bénéficient en France, selon elle, des membres des forces de l'ordre accusés de graves violations des droits de l'homme.
LIBERATION.FR
Jacky Durand
«La situation est telle en France que les forces de l’ordre se sentent au-dessus des lois.» Le constat est atterrant, sans appel. Il émane d’une organisation majeure, incontestable en matière de droits de l’homme : Amnesty International, qui consacre un site spécial au sujet. N’en déplaise aux adeptes de la pensée sécuritaire prompts à casser du «droit-de-l’hommiste», le rapport publié aujourd’hui par Amnesty (http://www.amnesty.fr/var/amnesty/storage/fckeditor/File/EUR_21_003_2009%20Outrage%20FRA.pdf) est une observation clinique des excès de l’action policière et de l’impunité dont jouissent les auteurs, faute de structure d’enquête indépendante et avec une justice plus prompte à classer les affaires qu’à les relancer.

Dans ces conditions, la police apparaît pour la grande majorité des victimes de ses excès comme un rouleau compresseur jouissant d’une quasi-impunité avec l’assentiment de bon nombre de procureurs et de juges. «Les homicides illégaux, les passages à tabac, les injures racistes et l’usage abusif de la force par les agents de la force publique sont interdits en toutes circonstances par le droit international. Or, en France les plaintes pour ce type de violations des droits humains ne sont pas souvent suivies d’enquêtes effectives, et les responsables de ces actes sont rarement traduits en justice», affirme Amnesty International.
Ce tableau n’est pas nouveau - en 2005, Amnesty dénonçait déjà dans son précédent rapport l’impunité des forces de l’ordre - mais en 2009, l’organisation constate «l’accentuation manifeste d’un phénomène inquiétant : les personnes qui protestent ou tentent d’intervenir lorsqu’elles sont témoins de mauvais traitements infligés par des responsables de l’application des lois sont elles-mêmes accusées d’outrage ou de rébellion envers un représentant de l’autorité. Dans d’autres cas, des personnes qui se sont plaintes d’avoir subi des mauvais traitements sont accusées de diffamation par les agents concernés.»
Riposte. Pour Amnesty, «ces pratiques peuvent exercer une dissuasion très forte sur les personnes qui essaient d’obtenir justice après avoir été témoins ou victimes de violation des droits humains ; elles risquent donc d’aggraver le climat d’impunité actuel». Amnesty ne nie pas la dangerosité du métier de policier qui fait que les fonctionnaires sont exposés «à des risques importants» mais Amnesty s’interroge, exemple à l’appui, sur la proportionnalité de la riposte engagée par les policiers quand ils sont confrontés à des tensions et des situations violentes.
Ainsi Hakim Ajimi est décédé d’une «asphyxie mécanique» le 9 mai 2008 à Grasse (Libération du 11 octobre 2008). Lors de son interpellation, il était maintenu à plat ventre, face contre terre, un policier avec un genou sur son dos, un autre pratiquant une clé d’étranglement. Une fois de plus, Amnesty s’inquiète de cette méthode d’immobilisation qui a déjà valu à la France une condamnation par la justice européenne.
Faute de règle détaillée sur l’utilisation de la force, Amnesty constate qu’en cas d’enquête, le parquet accorde souvent «le bénéfice du doute aux agents de la force publique». Plus largement, les liens entre police et justice poussent l’organisation à s’interroger sur l’impartialité des procédures en cas de dérives policières : «Sur 663 plaintes examinées par l’organe d’inspection de la police en 2005, seules 16 ont conduit à la radiation des agents concernés ; en 2006, seules huit allégations de violence sur 639 ont abouti à une telle radiation. De très nombreuses plaintes déposées contre des agents des forces de l’ordre sont classées sans suite par le parquet avant même d’arriver au tribunal.»
Indépendance. Avec le sens de l’euphémisme, le rapport d’Amnesty note que «l’opinion publique peine à percevoir» justice et police comme «indépendantes, impartiales et justes quand elles traitent les plaintes contre des agents de la force publique». Dans ces conditions, Amnesty International recommande la création d’un organisme indépendant qui «pourrait être une version améliorée» de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (créée en 2000, la CNDS doit«veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République»).
Toute personne devrait pouvoir saisir directement cet organisme qui devrait être habilité à enquêter sur toutes les allégations de violations graves des droits humains formulées contre les forces de l’ordre. Il aurait le pouvoir d’examiner immédiatement les lieux des faits ; de convoquer des témoins et d’ordonner la communication de documents ; de suivre les enquêtes menées par la police. Une recommandation qui ne devrait pas manquer de faire débat dans les commissariats.

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