Pour certains blogueurs influents... Edgar Morin est désormais
dépassé, en somme un vieux con... Pour moi, c'est l'un des derniers grands penseurs. Je vous mets son appel dans l'intégralité (ben oui, il y a plusieurs pages...)
APPEL A LA METAMORPHOSE DU MONDE
Adresse aux artistes
par Edgar Morin, Pierre Gonod et Paskua
Chers amis,
Permettez nous de vous saluer et de vous féliciter pour votre initiative de former le groupe « Métamorphose ». Nous ne nous étonnons pas que les premiers à s’engager dans ce combat pour le futur soient des artistes. Ils ressentent plus profondément et plus vite que les autres la souffrance et les espérances du monde, leurs œuvres libèrent des forces génératrices – créatives. Nous vous invitons à mettre vos talents au service du vaste mouvement pour la métamorphose du monde dont vous serez les pionniers. L’œuvre singulière de notre ami Paskua en incarne l’avant-garde.
Vous êtes témoins et acteurs de la crise du monde qui affecte toutes les sphères. Une analyse
systémique montre qu’elle est le résultat de l’enchevêtrement de multiples composants, des relations et rétroactions innombrables qui se tissent entre des processus extrêmement divers
ayant pour sièges les systèmes économiques, sociaux, démographiques, politiques, idéologiques, religieux, l’éthique, la pensée, le mode de vie, l’écosystème, tous en crise.
Le vaisseau spatial terre n’a pas de pilote. Ses quatre moteurs, la science, la technique, l’économie, le profit, sont, chacun incontrôlé. En l’absence d’une gouvernance mondiale, le vaisseau
va vers la catastrophe. C’est l’hypothèse la plus probable.
L’improbable c’est la capacité d’une guidance en temps utile pour suivre un autre itinéraire permettant de traiter les problèmes vitaux pour l’humanité, en premier lieu la dégradation
de la biosphère sans oublier les menaces nucléaires qui ne sont pas disparues.
Il faudrait une métamorphose, qui dans l’état de conscience actuelle est une hypothèse improbable, quoique non nulle. Mais qu’est, au fait, une métamorphose ? Sinon le changement d’une forme
en une autre, et, en biologie, une transformation importante du corps et du mode vie au cours du développement de certains animaux comme les batraciens et certains insectes. Ainsi on parle des
métamorphoses du papillon ou des grenouilles. Ici l’auto-destruction est en même temps auto-construction, une identité maintenue dans l’altérité.
Plus généralement la naissance de la vie est une métamorphose d’une organisation chimico-physique. Les sociétés historiques le sont devenues à partir d’un agrégat de sociétés archaïques. Vie et
société sont le produit de métamorphoses. Elles sont en danger. L’histoire c’est aussi l’issue tragique du développement d’une capacité à détruire l’humanité. Il y a donc la nécessité vitale
d’une meta-histoire. Il n’a pas de fin de l’histoire, contrairement à la thèse de Fukuyama qui avait tiré du triomphe du capitalisme la conclusion de sa pérennité. Les capacités créatrices
ne sont pas épuisées. Une autre histoire est possible.
Il y a des raisons d’espérer.
L’Homme Générique de Marx exprime ses vertus génératrices et créatrices inhérentes à l’humanité. Il y a toujours en lui ces capacités. On peut user de la métaphore des cellules souches dormantes dans l’organisme adulte et que la biologie moderne a révélées. De même, il y a dans les sociétés normalisées, stabilisées, rigidifiées, des forces génératrices-créatrices qui se manifestent. : « International art movement for the metamorphosis of the world » en est la preuve.
La crise financière et économique pousse actuellement nombre de dirigeants et d’économistes
réveillés de leur torpeur à « réformer le capitalisme ». C’est une nécessité que certains considèrent encore comme une contrainte conjoncturelle. Mais il s’agit d’une crise
systémique, beaucoup plus large et profonde, la crise planétaire multidimensionnelle. Et avec elle est concerné l’ensemble des peuples. C’est dans leur sein que vont s’éveiller des forces
créatrices et une volonté transformatrice. Si une hirondelle ne fait pas le printemps, des signes forts sont apparus.
Ainsi, de Seattle à Porto Alegre s’est manifestée une volonté de répondre à la mondialisation techno-économique par le développement d’autres formes de mondialisation, allant vers l’élaboration
d’une véritable « politique de l’humanité », qui devrait dépasser l’idée de développement.
Nul ne peut faire l’impasse sur l’aspiration multimillénaire de l’humanité à l’harmonie,
qu’elle prenne la forme du paradis, des utopies, des idéologies libertaire, socialiste, communiste, puis des révoltes juvéniles des années 60 (Peace-Love). Cette aspiration n’a pas disparu. Elle
se manifeste par des myriades de pensées, d’initiatives, d’actions multiples dispersées dans la société civile et qui sont ignorées par les structures politiques et administratives
sclérosées.
Les grands mouvements de transformation commencent toujours de façon marginale, déviante, modeste, voire invisible. Il en a été ainsi des religions, de Bouddha, Jésus, Mahomet, du capitalisme, de
la science moderne, du socialisme. Aujourd’hui l’alter-mondisme devient un terme à prendre à la lettre : l’aspiration à un autre monde.
Des centaines de propositions ont vu le jour, cela ne suffit pas à en faire un projet sociétal cohérent, alternatif, réaliste et visionnaire. C’est ce « supplément d’âme » que
nous proposons avec les « 7 réformes fondatrices » d’une « Voie nouvelle ».
À cette fin, 7 orientations principales sont proposées : la réforme politique, politique de l’humanité et de civilisation ; réformes économiques ; réformes sociales ; réforme
de la pensée ; réforme de l’éducation ; réforme de vie ; réforme morale.